Transfiguration de Christna – Ses disciples lui donnent le nom de Iezeus (la pure essence)

vignette« Quelques services que l’on rende aux esprits pervers, le bien qu’on leur fait ressemble à des caractères écrits sur l’eau, qui s’effacent à mesure qu’on les trace. Mais le bien doit être accompli pour le bien, car ce n’est point sur la terre que l’on doit attendre sa récompense. » Maxime  de Christna

Afin de rendre la lecture plus fluide, nous insérons au début de chaque article des liens de cette série inédite d’une vingtaine d’extraits de plusieurs ouvrages sur l’origine du christianisme et ses rapports avec les anciennes religions de l’Inde, bref une comparaison de la Bible avec les anciens textes sanscrits. C’était l’oeuvre de Louis Jacolliot (1837 – 1890), magistrat français aux Indes au temps de la colonisation.

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Or, un jour que le tyran de Madura avait envoyé une nombreuse armée contre Christna et ses disciples, ces derniers, saisis de frayeur, voulurent se soustraire par la fuite au danger qui les menaçait.
La foi d’Ardjouna lui-même paraissait ébranlée. Christna, qui priait à quelques pas de là, ayant entendu leurs plaintes, s’avança au milieu d’eux, et leur dit :
« Pourquoi une peur insensée s’empare-t-elle de vos esprits ? Ignorez-vous donc quel est celui qui est avec vous? »
Et alors, abandonnant la forme mortelle, il parut à leurs yeux dans tout l’éclat de sa majesté divine et le front environné d’une telle lumière, qu’Ardjouna et ses compagnons, n’en pouvant supporter la vue, se jetèrent le visage dans la poussière, et prièrent le Seigneur de leur pardonner leur indigne faiblesse.Et Christna, ayant repris sa forme première, leur dit encore :
« N’avez-vous donc point foi en moi? Sachez que présent ou éloigné je serai toujours au milieu de vous pour vous protéger. »
Et ceux-ci, le croyant parce qu’ils avaient vu, lui promirent de ne plus douter dorénavant de sa puissance, et ils le nommèrent Jezeus, c’est-à-dire issu de la pure essence divine.
(Bagaveda Gita)

Christna et les deux pieuses femmes Nichdalî et Sarasvati

Christna se promenait aux environs de Madura avec ses disciples, suivi d’une grande foule de peuple avide de le contempler. Et on disait de tous côtés : « Voilà celui qui nous a délivrés du tyran qui nous opprimait, » faisant ainsi allusion à Kansa, qui avait porté la peine de ses crimes, et que Christna avait chassé de Madura.
Et on disait encore : « Voilà celui qui ressuscite les morts, guérit les sourds, les boiteux et les aveugles. »
Lorsque deux femmes de la plus basse extraction, s’approchant de Christna et lui ayant versé sur la tête des parfums qu’elles avaient apportés dans un petit vase de cuivre, elles l’adorèrent.
Et comme le peuple murmurait de leur hardiesse, Christna leur dit avec bonté :
— Femmes, j’accepte votre sacrifice; le peu qui est donné par le coeur vaut plus que toutes les richesses offertes par ostentation. Que voulez-vous de moi?
— Seigneur, lui répondirent-elles, les fronts de nos époux sont soucieux, le bonheur a fui de nos maisons, car Dieu nous a refusé la joie d’être mères.
Et Christna, les ayant relevées, car elles s’étaient mises à genoux et elles embrassaient ses pieds.
Il leur dit :
— Votre demande sera exaucée, car vous avez cru en moi, et la joie rentrera dans vos maisons. A quelque temps de là, ces deux femmes, nommées Nichdali et Sarasvati, accouchèrent chacune d’un fils, et ces deux enfants devinrent plus tard de saints personnages, que les Indous vénèrent encore aujourd’hui sous les noms de Soudâma et de Soudâsa.
(Bagaveda Gita)

La mort de Christna

L’oeuvre de rédemption était accomplie, l’Inde entière sentait un sang plus jeune circuler dans ses veines, partout le travail était sanctifié par la prière, l’espérance et la foi échauffaient tous les coeurs de quitter la terre et de retourner dans le sein de celui qui l’avait envoyé.

Christna manifeste son pouvoir d’omniprésence à Ardjouna

Défendant à ses disciples de le suivre, il partit un jour sur les bords du Gange pour y faire ses ablutions et y laver les souillures que son enveloppe mortelle avait pu contracter dans les luttes de toute nature qu’il avait été obligé de soutenir contre les partisans du passé.
Arrivé près du fleuve sacré, il s’y plongea par trois fois, puis, s’étant agenouillé en regardant le ciel, il pria en attendant la mort.
En cet état il fut percé de flèches par un de ceux dont il avait dévoilé les crimes, et qui, apprenant son voyage au Gange, l’avait suivi avec une troupe nombreuse dans le dessein de l’assassiner.
Cet homme se nommait Angada, suivant la croyance populaire; condamné à une vie éternelle sur la terre à cause de son crime, il erre sur les bords du Gange, n’ayant d’autre nourriture que les cadavres des morts, qu’il ronge constamment en compagnie des chacals et des autres animaux immondes.
Le corps de l’homme-Dieu fut suspendu aux branches d’un arbre par ses meurtriers, pour qu’il devînt la proie des vautours.
La nouvelle de cette mort s’étant répandue, le peuple vint en foule, conduit par Ardjouna, le plus cher des disciples de Christna, pour recueillir ses restes sacrés. Mais la dépouille mortelle du Rédempteur avait disparu; sans doute elle avait regagné les célestes demeures. Et l’arbre auquel elle avait été attachée s’était subitement couvert de grandes fleurs rouges et répandait autour de lui les plus suaves parfums.
Ainsi finit Christna, victime de la méchanceté de ceux qui n’avaient point voulu reconnaître sa loi, et qui avaient été chassés du milieu du peuple à cause de leurs vices et de leur hypocrisie.
[Bagaveda Gita et Traditions brahmaniques)

Quelques mots d’explication

Je ne crois pas que les orientalistes sérieux viennent contredire en rien ce que j’ai avancé sur la vierge Devanaguy et son fils Christna. Il y a longtemps sans doute qu’ils ont compris que les mythes modernes de la religion indoue et de la poésie sont le produit de la décadence et des superstitions que les brahmes ont laissé s’accréditer dans l’esprit des masses au profit de leur domination.
Si donc j’ai rejeté toutes les aventures héroïques aux quelles les poètes indous ont mêlé Christna, c’est qu’elles ont été inventées après coup par cette imagination orientale qui ne connaît pas de bornes dans le domaine du merveilleux.
Les poèmes les plus célèbres sur Christna ne remontent pas au delà du Maha-Bharata, qui fut écrit environ deux siècles avant notre ère, c’est-à-dire plus de trois mille ans après la mort du novateur indou. Ces ouvrages prirent naissance dans cette idée, que la Divinité est constamment mêlée aux luttes et aux actions humaines pour les diriger à son gré, et distribuer sur la terre même, aux bons et aux mauvais, la récompense ou le châtiment.
C’est la même idée qui domine les anciennes civilisations égyptienne, grecque et hébraïque, issues, comme nous l’avons démontré, de cette période pendant laquelle l’Inde, oubliant les pures traditions des Védas et de Christna, se jeta dans les bras des saints, des anges, des demi-dieux et des héros.

Suivant les croyances brahmaniques, le maha-pralaya, la grande dissolution, c’est-à-dire la fin du monde, sera signalée par un étrange événement.
Cédons la parole à Ramatsariar, le commentateur religieux des livres sacrés.
« Quelque temps avant la destruction de tout ce qui existe, la lutte entre le bien et le mal doit recommencer sur la terre, et les esprits mauvais, qui jadis, après la création, se soulevèrent dans le ciel contre l’autorité de Brahma, viendront engager une lutte suprême, pour tenter de ravir à Dieu sa puissance et recouvrer leur liberté. »
C’est alors que Christna reviendra sur la terre pour terrasser le prince des rakchasas, qui, sous la forme d’un cheval et aidé par tous les mauvais génies, couvrira ce globe de ruines et de carnages.
Cette croyance est générale dans l’Inde. Il n’est pas un Indou, à quelque caste qu’il appartienne, pas un brahme, qui ne la considère comme un article de foi. Les prêtres ont même consacré un sacrifice, l’Aswameda, c’est-à-dire le sacrifice du cheval, à la victoire future du fils de la vierge Devanaguy.
Je constate et retiens le fait, sans autres réflexions pour le moment.
[…]
Si, comme l’a dit le R. P. Dubois, la justice, l’humanité, la bonne foi, la compassion, le désintéressement, toutes les vertus enfin étaient familières aux anciens brahmes; s’il est vrai de soutenir également avec lui que les Indous professent les mêmes principes de morale que nous, on a la clef du complet insuccès des missionnaires dans l’Inde, insuccès du reste avoué par un grand nombre d’entre eux, sans qu’ils osent ou veuillent en donner les motifs.
« Pourquoi changerais-je de religion? me disait un jour un brahme avec lequel je discourais sur ces matières.
« Nous avons aussi bien que vous, si ce n’est mieux, et vous ne datez tout cela que de dix-huit siècles, tandis que notre croyance se rattache sans interruption à la création du monde.
« Dieu, suivant vous, et vous le rabaissez, s’y est mis à plusieurs fois pour vous doter d’une religion ; suivant nous, il a révélé sa loi en nous créant.
« Chaque fois que l’homme s’est égaré, il s’est manifesté à lui pour le rappeler à la foi primitive.
« En dernier lieu, il s’est incarné dans la personne de Christna, qui est venu non point guider l’humanité dans des lois nouvelles, mais effacer la faute originelle et épurer la « morale.
« Cette incarnation, vous nous l’avez prise, comme vous nous avez pris la tradition de la création d’Adima et d’Heva.
« Nous en attendons encore une autre avant la fin du monde, c’est celle de Christna revenant combattre le prince des Rackchasas déguisé en cheval, et d’après ce que vous venez de me raconter de votre Apocalypse, vous nous avez emprunté également cette prophétie.
« Votre religion n’est qu’une infiltration, un souvenir de la nôtre, pourquoi voudriez-vous me la faire adopter?
« Commencez donc, si vous voulez réussir, par ne pas m’enseigner des principes que je retrouve dans tous nos livres saints et une morale que nous professions dans l’Inde bien avant que l’Europe eût ouvert les yeux à la lumière et à la civilisation. »

Le vaisseau de Christna

Tout cela était de la plus exacte vérité, et il n’y avait rien à répondre.
Et dès lors que voulez-vous donc apporter à ces peuples ? des cérémonies extérieures, la forme d’un culte; ce sont les manifestations sensibles et non la base d’une religion, et que faire quand les bases sont les mêmes? Sans doute les Indous ont oublié leurs croyances primitives, la pureté de la morale de Christna dans la pratique, mais leur démoralisation ne vient point de l’ignorance; ils connaissent parfaitement leurs dogmes et tous les grands principes de la conscience.
Que l’Europe ne leur jette point tant la pierre au milieu de ses luttes, de ses ambitions de toute nature, elle serait fort malvenue à se décerner une palme de moralité.
Sans doute les Indous actuels ont substitué à leur culte les pratiques les plus superstitieuses. Que voulez-vous? grâce à leurs prêtres, ils ont fini par délaisser Dieu, pour adorer les faiseurs de miracles, les anges et les saints, les devas et les richis.
Et après?
Est-ce que nous n’avons pas aussi nos miracles de la Valette et autres lieux, nos saints qui guérissent les aveugles, les boiteux, les sourds, les écrouelles et les engelures?…
Pourquoi les Indous n’auraient-ils pas les leurs ?

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Extraits de La Bible dans l’Inde. Vie de Iezeus Christna de Louis Jacolliot, A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie. Éditeurs, Paris, pp. 291-295, 324-331; encadré: 382-383.

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Illustrations :

– Krishna omniprésent :
http://jacques.prevost.free.fr/
– Le vaisseau de Krishna :
http://jacques.prevost.free.fr/

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