L’ONU À NUE

«Il est dangereux d’être ennemi de l’Amérique, mais il est deux fois plus dangereux d’être son ami». Dicton Arabe

Les infos vont vite même en été, les unes chassent les autres comme les vagues sur les plages. Dans notre avant propos du blog, nous avons évoqué le rôle de l’ONU dans la marche du monde, que les 5 membres permanents du CS ne veulent jamais modifier leur statut de privilégiés qui ont la haute main sur le sort du monde, qu’ils ne vont pas scier la branche sur laquelle ils sont assis.

Une gifle à la figure des Irakiens

Fin juin, début juillet trois faits ont particulièrement retenu notre attention :

– l’ONU enterre le rapport sur la guerre d’Irak, et décrète qu’il doit rester secret pendant 60 ans, motion votée précipitamment à minuit par les 15 membres du CS. Le rapport enfermé dans un coffre fort dont seul le secrétaire général possède le code confidentiel ;

– l’ONU censure la publication d’un autre rapport commandé deux ans plus tôt par elle-même sur le monde arabe;

– 122 sur 141 États ont voté l’adoption d’un traité interdisant les armes nucléaires. Qui n’ont pas pris par au vote ? Tous les pays qui possèdent l’arme nucléaire dont les 5 membres permanents du CS (France, Royaume-Uni, Russie, Chine, USA), et l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord, Israël, le Japon et la plupart des pays de l’OTAN.

Ces nouvelles ont l’effet d’une bombe à la figure des peuples du monde, du moins d’une gifre à la figure d’abord des Irakiens en ce qui concerne la guerre d’Irak : « Va te faire … (mettez ce que vous voulez, à la convenance de chacun), c’est moi qui commande ici … bandit, terroriste ! »

Ce rapport a été commandé pour faire la lumière sur la deuxième guerre faite à l’Irak à partir de 2003 avec des scandales d’Abu-Graïb qu’on connaît. Non, non, les GI apportent aux Irakiens du chocolat et la démocratie en les aidant à se débarrasser du dictateur sans qu’ils n’aient à demander. Depuis quand les militaires US torturent ses ennemis, les humilient, les violent ? Des mensonges ! De la propagande ! Allez passez, il n’y a rien à voir. Ils prennent le monde pour des imbéciles. Dans un des manuels des Marines, lors des entrainements, ils doivent crier « kill, fuck, kill, fuck ! » pour rythmer leurs efforts. Simple conditionnement à tuer et à violer en temps de guerre.

Rafraichissons notre mémoire. Avant le déclenchement de la guerre, on assistait à une propagande du guerre inouïe faisant du président irakien Saddam Hussein – dans la main duquel les pontes des USA s’étaient pourtant venus picorer les graines -, un dictateur le plus barbare du monde, qui a gazé son peuple, etc. Les médias français étaient obligés de tempérer car le gouvernement français mené par président Chirac s’était opposé à cette invasion illégale 1. À la tribune de l’ONU, le secrétaire d’État US en la personnes de Colins Powell, un parvenu qui a oublié ses frères de couleurs, montrait la fiole censée contenir du produit chimique toxique provenant d’usines de fabrication irakienne : l’Irak possède des armes de destruction massive ! Le monde est en danger surtout les États-Unis. On accusait aussi l’Irak de soutenir le terrorisme qui ont détruit les symboles des States (les tours jumelles, le Pentagone) le 11 septembre. Deux accusation graves prétextes à l’invasion menée par les USA suivie d’une trentaine de pays satellites dans une coalition. Finalement la possession des armes de destruction massive fut la seule accusation retenue, suffisamment grave pour déclencher la guerre unilatéralement. Le mouvement de la paix s’est mobilisé à travers le monde entier, de l’Amérique du Sud en Asie en passant par Europe. Dans toutes les grandes capitales les gens descendaient dans la rue pour protester contre cette sale guerre décidée unilatéralement par les USA sans fondements, sans justifications, sans preuves de leurs accusations, pour dénoncer cette tromperie, cette guerre au pétrole. Signalons au passage que c’était les derniers sursauts du mouvement de la paix, du moins en France. Depuis, ce mouvement s’est évaporé dans les nuages de l’insaisissable. Ni la guerre contre la Libye ni celle en Syrie n’a rencontré une protestation de masse aussi importante. Toujours guidés par la bonne conscience, certains groupuscules d’extrême-gauche appelaient au contraire au bombardement de la Libye et de la Syrie, en raison du massacre des peuples par leurs dictateurs, ils se sont retrouvés dans le camp de l’impérialiste. Bonjour la rhétorique. Le mouvement de la paix est bien mort et enterré au bonheur des va-t-en-guerre comme BHL, des néocons (français et US), des fabricants d’armes.

Quinze ans après, qu’est devenu l’Irak ? Un champ de ruines, plus d’un millions de morts, des blessés, des réfugiés par centaines de milliers, des malformations par milliers à cause de l’uranium appauvri, des terroristes qui poussent aussi vite que les mensonges d’hommes politiques, etc. Rien que du bonheur pur estampillé USA. A-t-on retrouvé l’arme du crime, les armes chimiques dites de destruction massive ? En 15 ans ça n’a rien donné. Le rapport commandé par l’ONU n’en a pas parlé. Puisqu’on n’a pas retrouvé l’arme du crime exhibée à la tribune de l’ONU, l’accusation tombait d’elle même, la guerre était illégale comme le monde entier avait dit avant son déclenchement. Même celui qui a exhibé la fiole censé contenir des produits chimiques mortels a reconnu d’avoir menti, alors… ? N’empêche, on ne voulait pas que le monde sache que le rapport de l’ONU n’a pas mentionné l’existence des armes de destruction massive, c’est un secret auquel seuls certains ont accès. On décrète ainsi que le rapport doit rester muet, inaccessible pendant 60 ans, quand les responsables de cette tuerie menée par une bande de barbares de l’Ouest auront trouvé leur sommeil éternel pour ne pas les déranger avant. Quelle humanité ! Ce secret de cette nature est criminel, il doit être dénoncé comme tel et ceux qui le soutiennent doivent être considérés comme des complices qui essaient de cacher l’arme du crime.

Si tous les membres du conseil de sécurité de l’ONU ont voté comme un seul homme pour geler ce rapport pendant 60 ans, cela veut dire aussi que la Chine et la Russie ont aussi voté pour, chose obscure et difficile à comprendre, ces deux pays ne sont pas impliqués dans cette guerre, alors pourquoi ont-ils voté pour ? Y-a-t-il eu marchandages, pressions, etc. ? Ainsi nous constatons que les intérêts d’État sont au-dessus de la vérité, piétinée par tout le monde sans état d’âme. Dans un monde où la vérité est à ce point malmenée on ne s’étonnera plus de le voir pourrir de l’intérieur.

C’est grâce au courageux et l’estimable ambassadeur de la Syrie à l’ONU, Bachar al-Jaafari que nous avons pu accéder à cette info contenue dans sa conférence donnée à l’Institut Schiller à New York le 10 septembre 2016, nous lui témoignons la reconnaissance. Voilà un homme qui respecte la vérité et qui n’a pas peur de la proclamer.

Conférence de Bachar al-Jaafari, l’ambassadeur de la Syrie à l’ONU, à l’Institut Schiller à New York le 10 septembre 2016 :

L’information reprise par kla.tv :

La Palestine, une incarnation de l’injustice subie par un peuple

Le deuxième rapport, censuré, est aussi scandaleux, car il concerne une région en proie à des guerres et de l’instabilité depuis 1948 avec l’installation d’un État créé de toutes pièces qui a mis le monde arabe à feu et à sang depuis 60 ans.

Il y a deux ans la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (ESCWA-CESEAO) a confié au Secrétaire exécutive avec rang de secrétaire générale adjointe, Mme Rima Khalaf, réputée pour son intégrité et sa compétence, de mener une étude sur « L’injustice dans le Monde arabe et le chemin vers la justice ». Ayant accepté la charge elle constitua une équipe de 31 chercheurs de haut vol formée d’hommes et de femmes, d’experts, de professeurs, de représentants politiques de tous les courants nationalistes arabes dans sa diversité. L’équipe a mené une enquête pendant deux ans en cherchant des documents, en vérifiant les faits, en les analysant avant de rédiger la version finale. Signalons aussi que l’équipe de Mme Rima Khalaf était en concertation avec le commanditaire du rapport à toutes les étapes d’avancement.

La Palestine constitue une partie importante du rapport dans lequel les rapporteurs pointent :

– « une parfaite incarnation de l’injustice subie par son peuple et de l’injustice qui plane sur le fonctionnement de ses éléments constitutifs» :

– «L’injustice d’origine externe remonte au siècle dernier lorsque le colonialisme a procédé au démembrement de la zone en micro-états, faisant don d’une portion du Monde arabe à des étrangers, qui ont éradiqué sa population et dispersé sa majeure partie. Cette injustice se perpétue de nos jours.»

– «Les Palestiniens subissent le joug de l’occupation, leurs droits spoliés y compris leur droit à l’autodétermination et le droit au retour des réfugiés dans leurs foyers. Les épreuves des Palestiniens se doublent du racisme dont font preuve à leur égard les autorités d’occupation qui croient en la suprématie d’un groupe religieux sur un autre, s’autorisant, par ce biais, à s’affranchir de la légalité internationale, en établissant un État fondé sur la discrimination. »

Mme Rima Khalaf dénonce une «stratégie de fragmentation du peuple palestinien», constitué de quatre groupes à savoir les Palestiniens citoyens d’Israël, ceux de Jérusalem-Est; ceux de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, et enfin les réfugiés et exilés hors de Palestine.

En conséquence de quoi, en tant que responsable du rapport elle recommande « la comparution d’Israël devant la Cour Pénale Internationale », elle a appelé au boycottage d’Israël en écho avec un autre appel signé par 70 personnalités paru dans New York Review Books courant octobre 2016, pour protester contre l’accélération de la colonisation de Jérusalem et de sa périphérie. En se fondant sur les définitions de l’apartheid telles qu’elles apparaissent dans le droit international, elle a qualifié Israël d’apartheid.

Quant au volet sur l’injustice subie par le Monde arabe, le rapport est sans concession sur les responsabilités des leaders politiques de la situation actuelle où le Monde arabe est en proie à des démembrements. Quelques extraits nous donnent la teneur et la gravité de la situation :

– «En dépit des dégâts infligés par les forces étrangères en Palestine et en Irak, les élites dirigeantes du Monde arabe continuent de solliciter leurs interventions, alors qu’il est de notoriété publique que les forces étrangères ne protègent que leurs propres intérêts et ne tranchent une bataille qu’en leur faveur.

– « La répression et la corruption constituent les fondements du pouvoir arabe en ce que la majorité des gouvernements arabes ne tire pas sa légitimité de la volonté populaire, mais d’un appui extérieur; un fait qui les conduit à mener une politique conforme aux intérêts de leurs protecteurs.

– « Du fait de l’arbitraire, le citoyen arabe ploie sous l’effet de la violence matérielle et morale. Et du fait d’une économie compradore, la pauvreté s’est accentuée et la richesse des riches s’est amplifiée.

– « Le nombre de sanctions infligées par les États-Unis et l’Union Européenne à des pays tiers a surpassé en nombre la totalité des sanctions imposées par la totalité des autres pays et de l’ONU aux pays coupables (page 186)… La justice pénale internationale : une justice exclusivement au détriment des faibles (page 181), mettant en relief la politique d’humiliation et de punition menée par les pays occidentaux du temps de leur hégémonie.

– « Une boule de feu consume le Monde arabe en proie à des guerres civiles et des conflits religieux qui délitent son tissu social, contraignant les états à abdiquer leur souveraineté, sous la pression des puissances étrangères, plaçant la population face à un douloureux dilemme: le choix entre le mauvais et le pire, le choix de l’injustice subi dans son propre pays ou l’injustice dans un pays d’exil. Le choix entre l’humiliation et la mort.

« Le Monde arabe est l’unique zone du Monde où subsiste un fait colonial classique (Palestine), la première zone du XXIe siècle, théâtre d’une occupation officielle étrangère (invasion américaine de l’Irak en 2003).

« Bon nombre de pays arabes ont été forgés par le colonialisme et pâtissent de ce fait d’un défaut de légitimité structurelle. Les pays arabes ne jouissent pas d’une réelle indépendance. Bien au contraire, leur dépendance vis à vis de l’extérieur s’est accentuée.

– « L’injustice est à la base de la destruction du Monde arabe; tant l’injustice subie par sa population que l’injustice infligée par l’élite dirigeante des pays arabes et les forces étrangères qui se sont arrogées la liberté d’abuser de la zone et de sa population et plus récemment par des groupements criminels surgis à la faveur de l’injustice infligée tant par les États que par les interventions extérieures.

– « Si la tolérance a généré la démocratie en Europe, l’entraide a servi de tremplin à l’Afrique pour se dégager de sa servitude, la justice sera le fondement de la prise de conscience dans le Monde arabe, prélude à son développement. La justice est la voie la meilleure pour finir avec la régression, la violence, l’extrémisme, l’occupation et la dictature.
« L’amplification de la violence dans le Monde arabe, de même que la montée en puissance des idéologies éradicatrices et frappant d’apostasie quiconque prône la diversité, parallèlement, à l’accentuation dans le tiers des pays arabes ont été générées par l’injustice dans toutes ses déclinaisons.

– « Les pays en développement enregistrent une perte annuelle de 100 milliards de dollars, soit 4,4 pour cent de leurs recettes fiscales du fait des manipulations des cours opérées par les Multinationales, souligne le rapport qui déplore «l’instrumentalisation des crimes contre l’humanité» à des fins politiques, de même que la course aux armements. »

Un rapport pour le moins incendière et explosif et à juste titre car il ne contient que la vérité. Or les dirigeants de ce monde n’aiment pas la vérité qui les salît et les incrimine, qui les démasque et qui les mette à nue. C’en est trop. Les accusés (devinez qui donc ? Israël et des États du Golfe) se sont mobilisés pour dénoncer celle qui a osé dire haut et fort ce qu’elle pense et faire pression sur elle pour empêcher que le rapport soit publié. Pourtant ce rapport n’est purement consultatif car il n’a aucune valeur contraignante. S’ils ont obtenu sa tête puisqu’elle s’est retirée dans sa dignité en déclarant : « Je démissionne pour laisser la place à d’autres de faire ce que ma conscience m’interdit de faire». En solidarité avec elle, son équipe a refusé de se soumettre à la censure en rendant public le fameux rapport accessible au téléchargement libre (version anglaise).

Combien d’autres rapports de valeur, d’autres vérités qu’on a dû enterrer pour sauver sa face hideuse de ce monde ? Combien de hauts fonctionnaires qui ont accepté de la boucler pour garder sa place de prestige au lieu de garder sa conscience intacte ? Connaissant la marche du monde et les hommes qui le font tourner, nous sommes autorisés à penser qu’ils représentent une infime minorité qui place la dignité, la vérité et la justice au-dessus des intérêts ou du pouvoir personnels, Mme Rima Khalaf est de ceux-là.

Le dernier volet de notre propos dit aussi noir sur blanc ce que les uns et les autres pensent de notre monde et veulent en faire. Nous sommes dans un double rapport de forces :

– d’un côté une écrasante majorité d’États souhaite l’interdiction des armes nucléaires pour toujours contre une poignée d’États qui ne veulent rien savoir. Les signataires ont avec eux la force morale portée par une vision à longue terme compte tenu du désastre causé par les deux bombes nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki en 1945. Ils portent sur eux les responsabilités d’une génération à l’égard de celles qui vont venir. Ils représentent sans aucun doute l’écrasant point de vue de tous les peuples du monde entier d’Amérique en Asie en passant par l’Afrique et l’Europe.

– de l’autre la balance penche de tout son poids du côté des États possédant ces armes qui sont ultra minoritaires. C’est le rapport de force brute, brutale et animale qui dit son dernier mot. La morale ou autres considérations n’a aucune place, aucune chance de s’y intégrer.

Cette situation pour le moins paradoxale est tout à fait conforme aux société humaines, aux humains habitués les uns à se courber et les autres à tyranniser, c’est vieux comme le monde qui tourne au rythme de la baguette d’une poignée de gens. Un cas plus énigmatique qu’est le Japon qui est le seul pays qui a jusqu’à présent subi les horreurs causées par ces armes de destruction massive : il n’a pas jugé utile, comme les pays possesseurs de ces armes, de participer à ces négociations. Quant au rôle de trouble-fête que joue Israël en matière de paix et de désarmements, il n’étonne personne, c’est connu depuis longtemps, ne perdons pas notre temps à l’analyser.

Malgré l’espoir qu’il suscite ce traité fait penser à un marché de dupes : les dupés continuent à croire qu’ils sont maîtres de la situation sans en avoir les moyens et les dupeurs ne se donnent même pas la peine de faire semblant, eux qui sont les vrais maîtres du jeu sans avoir ni popularité ni légitimité. Ainsi va le monde.

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Sources :

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1Il a vite changé d’avis après le déclenchement de la campagne anti-française sur le sol états-unien par la suite.

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