Quiconque tranche avec un couteau la gorge d’un boeuf et reste sourd aux meuglements d’effroi, quiconque est capable d’abattre de sang-froid le chevreau hurlant et mange l’oiseau qu’il a lui-même nourri, est-il encore très éloigné du crime ? Pythagore ~ (580 – 495), mathématicien, philosophe, sage grec. *
La religion des mystères inspira toute la philosophie Grecque depuis Pythagore. Ses dogmes se propagèrent dans la Sicile et l’Italie et jusqu’en Gaule où ils furent vraisemblablement apportés d’Égypte par les Phéniciens. Selon Jean Reynaud, les Druides empruntèrent beaucoup aux Perses, notamment la doctrine de la transmigration des âmes que César leur attribue dans ses commentaires.
Ainsi s’étendait partout la lutte plus ou moins ouverte entre le naturalisme ou polythéisme d’une part, et de l’autre la doctrine de la délivrance, de l’affranchissement graduel dès âmes individuelles et immortelles.
Le massacre des mages par Darius fils d’Hystape fut le triomphe de Zoroastre sur le Démonisme et la Magie; mais le polythéisme grec, ennobli par l’art, résista, bien que miné par la philosophie et ne céda qu’au Christianisme.
Avant de reprendre l’histoire religieuse de l’Inde, il convient d’indiquer sommairement ce que cette contrée a inspiré aux plus beaux génies de la Grèce et surtout à Pythagore qui prit le premier le titre de philosophe au lieu de sage (φιλο-σοφια ami de la connaissance) équivalent de bodhisattva). Si son entreprise n’avait pas été étouffée dans le sang, on aurait pu l’appeler le Bouddha grec ; son nom ressemble singulièrement à Bouddha gourou. [1]
Né en l’an 570 avant J.-C, et probablement contemporain du Bouddha, il personnifie en Grèce les doctrines de l’Inde, fusionnées avec celles de l’Égypte, et forme par cela même trait d’union entre les Aryens de la Grèce et de l’Inde et les Sémites de l’Égypte et de l’Asie.
D’après Dollinger Pythagore emprunta la métempsychose aux mystères d’Égypte, l’astronomie à Babylone, la purification à la Perse. Il naquit d’un riche marchand en Phénicie à Sidon, alors la ville cosmopolite par excellence, il eut pour maîtres successivement Phérécide le Syrien, le médecin Anaximandre et enfin Thalès de Milet qui l’engagea à se rendre en Égypte, pour étudier sous les prêtres de Memphis. Sur sa route, il s’arrêta au mont Carmel où il y avait un couvent d’hommes ; c’étaient les prophètes successeurs de Moïse qui prenaient le nom d’Essayius dont on a prétendu que l’origine est bouddhiste, Mr. Mislin a vu des restes de ce couvent; c’étaient des cellules disposées autour d’une cour centrale.
Pythagore resta en Égypte 22 ans à étudier les mathématiques, l’astronomie et la doctrine Secrète (Initia). Il fut emmené captif à Babylone par un soldat de Cambyse et, selon Anquetit Dupéron, y suivit les leçons de Zoroastre qui, alors, avait un corps de prêtres à Balk. Ce récit est confirmé par Porphyre qui assure que Pythagore étudia aussi avec les Chaldéens et les Hébreux.
De retour à Samos à l’âge de 56 ans, il essaya d’enseigner par des symboles, c’est-à-dire d’inaugurer le religion des mystères pour des Initiés, avec des représentations symboliques susceptibles d’une double interprétation, l’une commune pour le vulgaire et l’autre secrète. Ayant échoué dans cette tentative à Samos, il quitta cette île et se rendit à Crotone dans la grande Grèce (Sicile). Il eût dans cette ville jusqu’à 600 disciples qui avaient tout en commun ; de là leur nom de Cénobites (κοινος- βιος, vie commune).
Il faisait un choix parmi ceux de ses auditeurs qui désiraient entrer dans la communauté ; il les soumettait à un noviciat de 3 ans, puis à un silence de 5 ans. Il reconnaissait par des épreuves ceux qui étaient capables de garder inviolablement le secret de l’enseignement reçu, et il les admettait comme disciples de l’intérieur. Il rendait leurs biens aux autres non admis.
Il fut ainsi conduit à établir parmi ses disciples deux catégories ; les Pythagoriciens et les Pythagoristes. Les premiers qui avaient la vie et les biens communs pendant toute leur vie étaient des modèles de perfection que les seconds imitaient de loin, gardant leurs biens séparés, mais se réunissant dans un même lieu pour l’étude. (C’est à peu près la division des Bouddhistes en religieux et simples dévots).
Il y avait deux formes de philosophe ou deux sortes de disciples ; ceux qui apprenaient par démonstration (μαθηματικοι de μαθειν apprendre, les hommes de science) et ceux qui se contentaient de la tradition et de l’enseignement sans démonstration ( ceux qui écoutent c’est-à-dire reçoivent de confiance la parole du maître,: les hommes de foi) ! Les premiers refusaient aux seconds le titre de Pythagoriciens, de même que Kapila n’admettait la tradition ou l’autorité du témoignage qu’en l’absence de la démonstration logique. C’est sans doute dans ce sens que Platon a écrit : θεοι μεν αυτοι μαθηματικοι, les dieux eux-mêmes sont logiciens.
Il y avait entre tous les disciples une exhortation réciproque à accomplir la loi, à repousser toute transgression; ils s’aidaient les uns les autres à vaincre la tristesse, la colère, la haine etc. C’était une fraternité complète dont l’exemple n’avait encore été donné nulle part.
Les Pythagoriciens devaient, en rentrant dans la maison, se poser ces trois questions : Quelle faute ai-je commise? Quel bien ai-je fait? Quels devoirs ai-je omis d’accomplir?
Au nombre de ces devoirs étaient la dignité et la tenue ; les disciples devaient porter la robe blanche et pure en laine comme les prêtres d’Égypte C’était peut-être aussi une imitation des Brahmes.
Pythagore prescrivait : le respect des parents, l’équité et la bienveillance envers les égaux; envers les jeunes gens, la douceur et des admonestations toujours paternelles;— l’amitié de tous pour tous : des dieux pour les hommes et des hommes pour les dieux par la piété et la science contemplative, de l’âme envers le corps, des hommes entre eux, citoyens et étrangers (charité universelle), du mari envers sa femme, des frères entre eux; de tous entre eux et même envers les animaux par la justice et la bonté ; enfin de l’homme envers lui-même par la paix et l’harmonie de ses sens et de ses facultés.
Il donnait à tout cela le nom d’amitié. Il appelait aussi l’amitié égalité, parce que des amis doivent tout se partager.
A ses yeux les femmes étaient presque des êtres privilégiés.
« Il a vu dit-il, tourmenter dans les enfers ceux qui tourmentent leurs épouses. »
« Les femmes ne doivent dire que des paroles agréables » (renouvelé de Manou). « A cause de leur piété, elles doivent toutes avoir un surnom divin : la vierge Coren ; la mariée Nymphe ; celle qui a eu des enfants, en dialecte dorique Maya (matrem), nous retrouvons la Maya-Aryenne.
L’institution et la doctrine de Pythagore étaient admirables, mais peu conformes au génie grec amoureux de la forme et dont l’idéal était tout extérieur. Le principal grief qu’on eut contre lui fut le secret dont il entourait sa doctrine et l’isolement dans lequel ses disciples se tenaient à l’écart de la foule. On les calomnia et on ameuta contre eux la populace qui les massacra. Ils auraient pu échapper à la mort dans leur fuite, s’ils avaient voulu violer leurs préceptes. Une femme s’arracha la langue pour être bien sûre de ne pas dévoiler les secrets de la doctrine.
Les deux amis qui, en se remplaçant comme otages auprès de Denys l’ancien, firent l’admiration du tyran, étaient des Pythagoriciens.
Après la mort de Pythagore, son disciple Thyside qui fut le précepteur d’Epaminondas, mit son enseignement en écrit : voici la doctrine qu’on lui attribue :
L’âme est immortelle; elle habite diverses espèces d’êtres animés et, après un certain nombre de circuits, elle retourne à son point de départ; il n’y a point de création, tous les êtres animés sont de même nature.
L’âme humaine se divise en trois, la raison, l’intellect et le cœur (le manas indien). Les animaux ont l’intellect et le cœur, l’homme seul a la raison qui seule est immortelle.
Après la mort, l’âme chassée erre dans l’air. Hermès (Mercure), gardien des âmes, emmène les âmes détachées des corps, les pures et les purifiées dans un haut lieu, les autres aux enfers où elles sont livrées aux Furies.
Tout l’air est peuplé d’âmes/démons et héros, qui envoient ceux-ci la santé, ceux-là la maladie, aux hommes et au bétail. C’est à eux qu’il faut faire les lustrations, les expiations, les divinations et toutes choses du même ordre.
Ce dernier alinéa rappelle les croyances primitives de la cité antique (Coustel de Foulanges).
L’âme est ce qu’il y a d’essentiel dans les hommes pour les porter au bien. Heureux les hommes auxquels une bonne âme est échue ! (c’est la prédestination brahmanique).
On lui prête d’avoir enseigné que la croyance en un seul Dieu est nécessaire pour la vertu ; ce serait le résultat de son séjour parmi les prophètes du mont Carmel.
II défendait de jurer par les Dieux. Il prescrivait d’honorer d’abord les Dieux, puis les demi- dieux, puis les parents.
C’étaient donc, comme chez les Bouddhistes, de simples honneurs rendus à des êtres supérieurs mais non l’adoration, il interdisait les sacrifices sanglants en général ; on ne devait offrir aux dieux que des fleurs, de l’encens, quelquefois des poulets et des petits porcs, jamais de bœufs et de béliers. (On se rappelle que Socrate, le jour, de sa mort, fit sacrifier un coq à Esculape [2]), on ne devait pas manger certaines parties des victimes, la tête, le pubis, les pieds, les entrailles.
Il déclarait que les grands dieux, regardaient plutôt le sentiment de celui qui offre que la valeur de l’offrande ; mais il en était autrement des dieux inférieurs, surtout des dieux infernaux qu’il fallait apaiser avec beaucoup plus de frais. — Il est permis de douter que Pythagore ait fait cette dernière concession aux croyances populaires les plus anciennes.
Il admettait la divination par des augures, des oracles, par l’encens ; si cela est vrai, c’était encore une concession.
Il guérissait ses amis malades par des incantations, et par le chant et la musique. — Emprunt évident à l’Inde.
Les Pythagoriciens, disciples du 1er degré, s’abstenaient de toute nourriture animale, à cause de la parenté des hommes et des animaux. Aux adhérents qui n’étaient point cénobites, l’usage de la viande était permis, mais avec exclusion de certains animaux et de certaines parties du corps. Par exemple le poisson et la fève étaient interdits comme impurs, le premier aussi sans doute comme aphrodisiaque.
Il était défendu de faire du mal aux plantes et aux animaux qui n’étaient point nuisibles. On devait apporter la plus grande modération et retenue dans les plaisirs charnels et s’éloigner des courtisanes.
Il fallait poursuivre trois espèces de choses : l’honneur et la gloire; – ce qui était nécessaire à l’existence -; les plaisirs graves et honnêtes comme ceux représentés par les Muses ; surtout la vérité, car cela seul rendait les hommes semblables aux dieux.
Pythagore avait plusieurs enseignements suivant la capacité des personnes (comme les Bouddhistes). Il formulait souvent ses dogmes en aphorismes (comme Kapila).
Comme Bouddha, il racontait ses anciennes vies et enseignait que ceux qui sont purifiés peuvent se souvenir des vies antérieures.
La fin de sa philosophie était de détacher l’esprit de ses chaînes et de lui rendre une liberté indispensable pour apprendre le vrai et le bien ; — Selon lui, l’esprit voit tout, entend tout ; tout le reste est sourd et aveugle.
Pour Pythagore, la loi des choses est le nombre, objet de la pensée non des sens, et le seul véritable être.
L’unité est le principe des nombres, tous en sortent et y reviennent. Par suite, le principe des êtres est l’un ou la monade, d’où sort la Dyade.
La monade est unité, esprit, lumière, perfection, le Bien ou Dieu. La Dyade est le monde, pluralité, matière, ténèbres, imperfection, le Mal. Mais l’opposition du bien et du mal est conciliée par l’union des contraires en Dieu. (Iranien). Puisque tout vient de l’Un ; l’Un enveloppe tout, la matière est déjà dans la Monade et on trouve encore l’esprit dans la Dyade.
A mesure que les nombres s’éloignent de l’unité, et les êtres multipliés de leur principe, ils descendent les degrés de l’imperfection; mais ils doivent par degrés remonter vers le bien jusqu’au principe ou à l’Un, en se détachant des liens corporels. L’âme s’affranchit non par le suicide ; car elle est immortelle, mais par le renoncement au monde et la contemplation de l’Un poussée jusqu’à son identification avec lui. En quittant le corps, elle peut s’abaisser et descendre dans le règne animal, ou bien restant au même degré, se continuer dans des vies humaines, ou franchir plusieurs degrés et enfin tous les degrés jusqu’à Dieu.
Cette théorie est, sous une forme mathématique, la doctrine Brahmanique et Bouddhiste de la métempsychose.
Pythagore amenait les hommes à la béatitude par la contemplation de la vérité, obtenue par des exercices gradués (Porphyre) (cela est tout-à-fait bouddhique). Il y employait les mathématiques.
D’après cet exposé, la doctrine de Pythagore serait un éclectisme cosmopolite de toute la science religieuse de son époque, dans lequel dominaient les idées Indiennes, et où se faisait déjà sentir le génie Grec. On y trouve la croyance aux esprits, et démons, reste ennobli et spiritualisé de l’Animisme ; la transmigration et la rétribution des œuvres, la division en Cénobites et laïques, conceptions presque exclusivement bouddhistes ; enfin et cela est très remarquable, la croyance en un seul dieu, très vraisemblablement personnel, le dieu des Sémites, déjà providence dans Isaïe et Jérémie et arianisé par les rapports entre la Perse et la Judée. L’École de Pythagore serait ainsi le commencement du Christianisme défini, en se plaçant au point de vue humain : la fusion du Monothéisme Sémitique avec la Métaphysique Aryenne. Socrate et Platon ont développé ce germe fécond, pendant que les grands prophètes d’Israël universalisaient et humanisaient le Judaïsme. Tous, poussés par un courant supérieur, travaillaient séparément à préparer la grande fusion du génie sémitique et du génie Aryen.
Les éléments grecs dans le système de Pythagore étaient la distinction très nette, entre l’âme et la vie ; l’amour de la gloire et des arts ; et surtout l’importance très grande donnée à l’Harmonie et aux nombres, etc.
C’est avec raison que l’on a appelé Pythagore le père de la philosophie grecque, car elle dérive du principe posé par lui : l’excellence de l’âme humaine appelée par sa partie divine à la science universelle (théorie de la Sankya et du Bouddhisme) ; elle n’a qu’à se regarder attentivement pour arriver à la vérité (théorie de Lao-Tseu-Chinois).
Le γνωθι σεαυτον (connais-toi toi-même) de Socrate, est une des plus vieilles maximes de l’Inde d’où Pythagore a tiré l’examen de conscience prescrit à ses disciples.
Les Pythagoriciens unirent tout ce qui relève du nombre, l’Astronomie, la Musique, l’Arithmétique, la Géométrie, l’Esthétique et même la Danse.
* Cette citation peut nous induire à penser que Pythagore était végétarien. Ce ne serait que logique; ses idées philosophiques ne viennent-elles pas de l’Inde via l’Égypte ?
Extrait de : E. Lamairesse, L’Inde après le Bouddha, 1909, p. 4 – 11.
Notes :
[1]. Effectivement Pythogore est appelé Pytha-guru en sanscrit, (ce qui n’a rien à voir avec ce qu’on trouve sur wikipedia qui fait dériver Pythagore de Pyth-agore), cf. Louis Jacolliot, La Bible dans l’Inde. Vie de Iezeus Christna, Paris, A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie. Éditeurs, 1869, p. 26, dont l’extrait que nous avons publié il y a quelque temps.
L’histoire officielle de la science nous apprend que Copernic et Galilée ont découvert le système héliocentrique, mais en fait, ce dernier n’a fait qu’utiliser les manuscrits de Pythagore selon Les Lettres des Mahatmas M. & K.H. à A.P. Sinnet, Éditions Adyar, 1990, p. 176.
Au temps de Thalès vers [(625-547) av. J.C. et de Pythagore (580 – 495)] ils enseignaient dans leurs écoles le mouvement de la terre, sa forme réelle et le système héliocentrique ! Ils ont puisé ces connaissances en Égypte qui tenaient des Brahmanes de l’Inde. Cf. Isis dévoilé de H.P. Blavatsky, Tome 1, 2è Partie, Ed. Adyar, 2006, pp. 272, 279. Vingt siècles plus tard, Giordano Bruno qui était pythagoricien a été jeté au bûcher par l’Église romane pour avoir soutenu cette « découverte ». Vive le progrès !
[2]. Les Hébreux paraissent n’avoir sacrifié des béliers et des boeufs que dans les grandes solennités, témoins ces versets du miserere : (David) Si voluisses sacrificium, dedissem utique, holocaùstis jion deleclaberis. — Sacrificium deo Spiritùs contribulatus donec edificentur muri Jérusalem ; tune iniponenl super altare tuuui vitulos.
Isaïe et les prophètes qui le suivirent condamnent formellement les sacrifices sanglants, contrairement aux prescriptions de Moïse dans le Pentateuque. Ils sont interdits par le Talmud qui forme aujourd’hui la loi.
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Illustrations:
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