Une preuve mathématique

vignette« Chaque pagode a ses brahmes, ses pundits, qui après avoir pâli trente ans sur leurs livres, sont encore arrêtés par une foule d’abréviations et de textes presque indéchiffrables… Êtes-vous donc à même de refaire ce passé, de dire le dernier mot sur cette civilisation sans vous être initié aux sources?… alors que vous ne pouvez même pas vous mettre d’accord sur les origines de votre propre pays, et que pas un de vous n’est capable de faire une histoire sérieuse des rois de France de la première race. » (Louis Jacolliot, Les fils de Dieu)

Afin de rendre la lecture plus fluide, nous insérons au début de chaque article des liens de cette série inédite d’une vingtaine d’extraits de plusieurs ouvrages sur l’origine du christianisme et ses rapports avec les anciennes religions de l’Inde, bref une comparaison de la Bible avec les anciens textes sanscrits. C’était l’oeuvre de Louis Jacolliot (1837 – 1890), magistrat français aux Indes au temps de la colonisation.

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Nous terminons cette semaine la longue série d’extraits d’ouvrages de Louis Jacolliot. Des extraits allant de la version indienne de la création, du déluge, des ressemblances troublantes entre le Christ et Christna, de  l’origine étymologique de « Dieu », de « Jésus », en passant par les débats théologiques entre un brahmane et un missionnaire, la filiation entre Manou, Manès, Minos, Moïse, aux sources du cantique des cantiques, pour montrer à quel point la civilisation de l’Inde ancienne était avancée comparée à un Occident qui n’existait pas encore il y a une dizaine de milliers d’années, ou inculte mais prétentieux et arrogant par la suite. Nous saluons ainsi chaleureusement l’érudition, le courage, la générosité et l’impartialité de Jacolliot, – pour un magistrat, l’impartialité inspire confiance. Bien sûr que nous ne le suivons pas sur tout, par-ci par-là, nos chemins divergent.
En démontrant que le christianisme est un emprunt à l’Inde ancienne, que la Bible est un plagiat de longue date des textes indiens passant par l’Égypte, en condamnant les Jésuites et missionnaires des Missions Étrangères de Paris qui ont essayé d’effacer les mémoires de l’Inde en matière religieuse en détruisant en règle temples, archives et textes anciens, Jacolliot n’a pas eu de mots assez forts pour dénoncer la caste des brahmanes qui encourageaient la plèbe à s’installer dans la superstition. Plus d’une fois il fut témoin de scènes loquaces : le brahmane qui rit sous cape quand il voit un Indien du peuple faire sa dévotion à une statue de pierre. Il nous fait remarquer que la confrérie des prêtres du monde entier et de tout temps a toujours voulu maintenir leur pouvoir sur le peuple en l’avilissant et en le nourrissant de superstitions. Plus la plèbe demeure dans l’ignorance mieux c’est pour eux.
Témoin privilégié de la société indienne de la deuxième moitié du XIXè siècle en tant que magistrat dans une enclave française (Pondichéry) au milieu d’une colonie anglaise, Jacolliot était souvent l’invité d’honneur des cérémonies religieuses, des fêtes, des grandes occasions, et parfois témoin oculaire et muet de situations insolites ou secrètes.
Au fil de lectures de ces ouvrages, nous avons cru comprendre qu’il a passé une dizaine d’années à apprendre le sanscrit « à l’ombre des pagodes » avec des brahmanes dans le sud de l’Inde encore préservé des invasions et destructions de l’histoire. Le fait d’avoir des maîtres hindous de confiance qui expliquent et donnent des clefs pour la compréhension des textes anciens est indispensable et irremplaçable quand on s’engage dans cette voie menant à la connaissance. Grâce à lui qui a dépoussiéré des textes anciens en sanscrit, nous avons pu accéder à une petite reconstitution historique et partielle de l’humanité. Peut-être que le jour où les archives secrètes des Atlantes déposées dans une salle secrète quelque part entre le Sphinx et la grande Pyramide sous le sable [1], seront ouvertes l’humanité saurait alors l’histoire complète de son passé ?
Mais bornons-nous pour l’instant à notre passé récent que certains voulaient s’approprier pour imposer leur vision du monde au reste de l’humanité. Cette entreprise de domination a fait son temps, et s’est écroulée sous son propre poids d’ignorance. Jacolliot était là pour en témoigner. Mais que pèse la voix d’un érudit face à une Église, à un corporatisme ? Presque nulle ! Dès la sortie de La Bible dans l’Inde, on cherchait à le discréditer, à ignorer ses ouvrages, à les enterrer. Même aujourd’hui, au lieu de discuter sur le fond, c’est-à-dire tout ce qu’il a avancé comme faits historiques avérés dans ses ouvrages, on se contente de mettre l‘accent sur la durée de son séjour en Inde en tant que magistrat, pour en déduire qu’il ne connaît pas assez le sanscrit pour être pris au sérieux [2]. Autre élément perfide avancé : Jacolliot n’a été cité comme auteur que par Madame Blavatsky. On voit tout de suite les insinuations malicieuses de celui qui écrit cette présentation de Jacolliot sur Wikipédia. Arrêtons-nous un instant sur ces sous-entendus de la pensée unique pour qui ces deux éléments suffisent à le discréditer, à le neutraliser et à l’enterrer.
– D’abord, inversement, est-ce que le fait d’être cité par les autres est un gage d’auteur sérieux ? Pour la pensée unique c’est unanimement oui, bien entendu. Mais pour nous qui ne portons pas cette pensée unique dans notre coeur, nous ne hurlons pas avec les loups, la réponse est non, pour plusieurs raisons. Il faut pour cela connaître au préalable la qualité de ceux qui citent, puis connaître les critères de jugement de ces personnes et enfin les enjeux de leurs jugements. Pour donner un seul exemple, les médias alternatifs dénoncent régulièrement des situations pour le moins scandaleuses : des professionnels du monde médical, – médecins à titres divers -, se font payer par des fabricants pharmaceutiques comme experts pour faire promouvoir leurs produits sur le marché ; Big Pharma sponsorise et finance des Ateliers, Rencontres, Conférences, etc., qui se terminent par des publications dites scientifiques avalisant ses points de vue ; Le scandale de la grippe A-H1N1 provoqué à l’automne 2009 par les plus hautes autorités de la santé au sein de l’OMS montre à quel point les avis des experts qui se félicitent mutuellement ne sont nullement un gage de sérieux, de vérité mais au contraire. Les conflits d’intérêts, la corruption morale et matérielle, l’abus du pouvoir sont présents dans tous les cercles de pouvoir. Alors, lorsqu’on n’est pas cité par les autres cela veut dire aussi qu’on ne fait pas partie de la mafia académique, on est indépendant, on est libre d’écrire et s’exprimer. Ne pas être cité par les autres devient dans ce cas une marque d’estime et de liberté d’opinions.
– Deuxième sous-entendu : le seul nom de Mme Blavatsky peut détourner l’attention de beaucoup de personnes se croyant avoir la bonne conscience sans rien connaître sur elle. Qui est Mme Blavatsky ? Au plus fort de sa renommée il y avait 121 ouvrages qui ont été écrits sur elle. Tous ceux qui la dénigrent peuvent-ils aligner autant d’ouvrages écrits par les autres sur eux-mêmes ? H.P.B. (les initiales de Helena Petrovna Blavatsky) pour l’appeler comme elle aimait s’appeler, était une mystique, une adepte de l’ésotérisme ayant des dons de médiumnité à qui des Maîtres de sagesse avaient confié un certain nombre de tâches. H.P.B. ? «Une perle emprisonnée dans une enveloppe d’apparence grossière », selon un de ses Maîtres. Elle est à l’origine de la Société théosophique créée vers la fin du XIXè siècle, avec le Colonel Olcott, qu’elle avait pour mission de rencontrer aux États-Unis. H.P.B. savait bien que même au XXe siècle, ce mouvement de pensée ne serait pas porté aux nues, que La Doctrine secrète [3], son ouvrage monumental, ne serait pas appréciée à sa juste valeur. Mais tout reste ouvert pour le XXIè siècle. Ce sont les continuateurs de H.P.B. et du Colonel Olcott, notamment les assistants du Dr. Annie Besant et de Charles Webster Leadbeater qui ont découvert un enfant qui, en train de jouer avec ses camarades sur une plage au sud de l’Inde, n’avait aucune trace d’égoïsme. Cet enfant fut élevé par la suite selon les règles de la Société théosophique pour en faire l’Instructeur du monde : ce fut Krishnamurti, le grand sage du XXe siècle. Même si celui-ci a par la suite rompu définitivement avec la Société théosophique afin de devenir libre et indépendant de tout mouvement de pensée, de structure de pouvoir, de pression, ceux qui l’avaient découvert n’ont pas tout faux non plus. La chute orchestrée de H.P.B. à la fin de sa vie n’est certainement pas une honte pour ce mouvement de pensée. Quand on est seule face à une meute de chiens enragés … En plus elle a été trahie par les siens au sein de la Société, des gens qu’elle protégeait, des gens qui sans elle, auraient été à la rue. On a la morale qu’on peut !. On n’est jamais mieux trahi que par les siens ! En cas d’espèce cette trahison n’a pas révélé des vérités cachées comme on pouvait comprendre mais simplement des mensonges inventés de toutes pièces, mensonges qui collent bien avec les accusations de la bonne conscience : c’est une charlatan !. Il faut dire aussi qu’elle avait toutes les Églises contre elle y compris la confrérie des brahmanes, circonstance aggravante l’Inde était une colonie de l’empire britannique. Britannique aussi la Société de recherche psychique de Londres  (S.P.R.) , institution dite scientifique complètement dépassée par le cas d’H.P.B. mais qui avait le dernier mot dans cette affaire car c’était elle qui menait les enquêtes. N’empêche que la première édition de La Doctrine secrète de H.P.B. s’est bien retrouvée au British Museum dans une pièce très protégée qui n’est pas accessible au premier venu. Alors ? Du charlatanisme sous bonne protection ? Les œuvres d’une charlatan gardées comme une relique ? !

Vishnou allongé sur son lit

Il faut arrêter d’insinuer des choses par esprit de corps, par habitude, par ignorance ou par perfidie. Pour nous, les choses sont claires, on juge les faits selon les seuls critères de vérité et de justice. Par conséquent le fait d’être cité seulement par H.P.B. n’est pas une tare, au contraire, c’est même un éloge car H.P.B. ne cite pas n’importe qui. Voilà pour répondre en quelques lignes aux propos de l’auteur qui présente Jacolliot sur Wikipedia.
Revenons à nos moutons !
Sur ce, le monde n’a pas beaucoup changé depuis : un siècle et demi plus tard on ridiculise aujourd’hui un Jacques Grimault qui met à mal avec ses découvertes l’Égyptologie académique ! Un trouble-fête ! Trop tard, La révélation des Pyramides a fait le tour du monde.
Nos lecteurs & internautes qui ont lu les extraits d’ouvrages de Jacolliot dans un esprit de recherche, sans parti pris, sans préjugé sauront se faire leur propre idée. Nous ne cherchons à influencer personne mais simplement à vulgariser les connaissances, à partager des découvertes et vérités. Quant à ceux qui ont la tête déjà bien pleine de vérités version la Bible, nous leur posons simplement quelques questions :
Que vaut un Dieu anthropomorphique qui est, dit-on, omnipotent, omniscient mais qui n’est jamais responsable de rien et qui n’est pas capable d’arrêter le moindre malheur de ce monde ? Que vaut un autre Dieu qui, pour se faire respecter et obéir ne fait que recourir aux menaces et aux répressions qui vont jusqu’à des dizaines de milliers de morts ? Que vaut ce Dieu qui la veille commande « tu ne tueras point …» et le lendemain encourage les uns à massacrer les autres ?
Que vaut une religion qui, dans son passé, a par maintes fois levé une armée de volontaires pour aller massacrer ceux qualifiés d’incroyants à l’autre bout du monde ? Ces guerres dites saintes ne contredisent en aucun cas le commandement « tu ne tueras point », selon les autorités romanes dépositaires du pouvoir et des dogmes, et au diable les contradictions !
Que vaut une religion qui a mis en place une institution de terreur jamais égalée pour persécuter ceux et celles accusés de sorcellerie et d’hérésie, et ce dans toute l’Europe occidentale ? L’Inquisition n’est rien d’autre qu’un appareil dictatorial inventé par des esprits totalitaires. D’aucuns disent qu’avec l’Inquisition l’Église a fait des progrès en termes d’humanité car il n’y avait plus de sang coulé, on se contentait d’envoyer simplement les gens au bûcher ! On a l’humanité qu’on peut !
Y-a-il une goutte de spiritualité dans ces épisodes sanglants et meurtriers dont l’Église vaticane est comptable ? Ces tâches de sang dans l’histoire devait la discréditer pour toujours comme autorité spirituelle.  En tant que guide spirituel on ne peut enseigner le matin à la plèbe d’aimer son prochain et le soir sortir sa glaive pour massacrer ceux qui ont une autre croyance. Ou bien si on le fait sans états d’âme alors on n’est que des assoiffés de pouvoir déguisés en saints.

Les croisades

On peut dire peut-être que le christianisme est un produit importé du Moyen-Orient qui a dégénéré avec un nouvel environnement, avec un autre état d’esprit car ceux qui se sont approprié lui ont donné un autre contenu : le message spirituel vidé pour faire la place à un contenu mystique au service il n’y a pas encore longtemps du politique. Regardons aussi ce que l’Occident a produit de meilleur : les technologies de destruction ! Tous les efforts intellectuels, conceptuels sont canalisés vers la domination et l’exploitation de la nature et des humains au profit d’une classe dominante infime mais qui fait la loi. Les moyens de destruction deviennent de jour en jour plus planétaires menaçant la vie même sur cette Terre, et c’est avec ces moyens que l’Occident a construit et assis son pouvoir. C’est avec ces moyens de mort et de destruction que jusqu’à présent l’Occident a soumis des nations qui se sont heurtées à lui. Cette supériorité éclatante se base simplement sur la force brute. Au fond y-a-t-il un gramme de morale, de spiritualité, d’humanité dans ces conquêtes et dominations chez cette « race supérieure » qui s’est donné le droit de « civiliser » les autres ? Dans ces circonstances, comment les autres nations peuvent-elles encore avoir un grain de respect pour l’Occident ?
L’Occident a fait fausse route et ce depuis la Renaissance, point de départ de sa montée en puissance, dans la recherche d’un monde meilleur dont les règles de fonctionnement ne devraient pas se baser sur la force. L’Occident a fait fausse route en s’aventurant au fin fond de la matière et en délaissant l’esprit, les ressorts immatériels de l’homme. L’Occident a fait fausse route en mettant l’accent sur le matérialisme et en délaissant l’esprit et la nature de l’homme. L’Occident a fait fausse route quand ses scientifiques dénigrent tout ce qu’ils ne savent pas : face à l’inconnu ils l’ignorent, et écartent les faits au profit de leur théorie existante, rassurante mais complètement dépassée. Nous disons « fausse route », encore faut-il prouver que le projet de l’Occident était bien d’élever la conscience vers la spiritualité. Nous laissons à nos lecteurs la tâche difficile d’y répondre.
Pour notre part, nous préférons laisser tous ces Dieux sortis de la Bible à ceux qui les défendent bec et ongles si ce n’est « œil pour œil » pour faire grossir son Église d’ouailles crédules. Ainsi nous disons « Non, merci » au grand Attali de nous avoir rappelé que la Bible a été offerte à l’humanité, nous avons ce qu’il faut pour ne pas adopter un « Dieu jaloux », vengeur, sanguinaire qui accompagne une religion obscurantiste venant d’Occident. Nous préférons l’original à la copie. Les travaux de Jacolliot sont encore là pour prouver ce que nous venons d’affirmer.

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Lorsque les études orientales vinrent, au XVIIIè siècle porter, le premier coup à la religion chrétienne, les adeptes de Rome tournèrent la difficulté par une manœuvre qui leur est familière, et qui consiste à poser leurs croyances comme des axiomes, à nier audacieusement tout fait, tout événement historique, toute découverte scientifique contraires à leurs principes, et à laisser constamment à leurs adversaires le lourd fardeau de la preuve.
Nous sommes la vérité éternelle, disent-ils tout d’abord, à vous, qui ne partagez pas nos doctrines, de prouver qu’elles sont fausses.
Il serait certainement logique de leur répondre: Vous, qui prétendez les imposer, commencez par nous indiquer sur quelles certitudes elles reposent… Mais la manœuvre a réussi, et au lieu d’être obligés de prouver eux-mêmes qu’ils existent, ils attendent paisiblement dans leur chaise curule qu’on leur démontre qu’ils n’existent pas!illus
Ainsi lorsque l’on commença à entrevoir que les idées d’unité et de trinité de Dieu, que les mystères, les cérémonies, les croyances judaïques et chrétiennes avaient une origine commune, et se rattachaient aux mythes religieux de la haute Asie, les écrivains catholiques nièrent énergiquement la possibilité de ces faits. Ils traitèrent de fable, l’antiquité de la civilisation de l’Inde qui suivant eux, ne remontait pas au delà de Porus, le vaincu d’Alexandre; les livres sacrés d’ouvrages apocryphes, le samscrit d’idiome informe, et Volney qui, avait entrevu, et William Jones qui prouvait d’imposteurs.
Ce n’est pas que le grand indianiste anglais ait touché aux questions religieuses, mais il apportait des choses si merveilleuses en législation, en morale, en philosophie, en science pure; il faisait allusion à tant d’autres qui se rapprochaient du dogme, et qu’il n’avait pas eu le loisir d’approfondir, que Messieurs de Loyola ne pouvaient le laisser passer sans le couvrir de boue; ils sentaient qu’une arme nouvelle était aux mains des philosophes, qu’ils allaient porter une impitoyable lumière dans les ténèbres du passé, renouer les anneaux brisés de la tradition humaine, et pouvoir dire, le doigt sur l’inscription, et la main sur le livre, ceci vient de cela!
Bientôt la négation pure et simple ne fut plus possible. A William Jones avaient succédé Thomas Strange, Colebrooke, et après eux les Weber, les Lassen, les Burnouf, les Halled, toute une pléiade d’indianistes enfin vinrent démontrer l’existence des vieilles civilisations de l’Orient, et signaler de tels points de contact, de telles infiltrations philosophiques et religieuses, que Messieurs de Rome furent obligés d’abandonner leurs premiers errements. Mais toujours habiles, ils s’écrièrent en chœur : — Voyez comme Moïse est bien le législateur le plus ancien qui ait paru. Dans le monde entier c’est sa loi qui a succédé à l’âge patriarcal, et les découvertes modernes ne font qu’accuser mieux le souffle mosaïque qui a vivifié toutes les nations anciennes.
Ainsi les vieilles civilisations de l’Orient niées il y a un siècle sont admises aujourd’hui, seulement on les fait procéder de Moïse. Et se retranchant dans cet anachronisme, les écrivains de la foi attendent qu’on les en chasse.
C‘est au point de vue de Moïse initiateur de l’Orient, que se sont placés tous ceux qui ont attaqué La Bible dans l’Inde, et notamment M. Pavie, indianiste d’Angers, qui m’accuse positivement de commettre l’anachronisme que je reproche aux catholiques. A nous donc de renverser encore cette barricade nouvelle, la moins sérieuses de toutes, mais à la quelle nous comprenons qu’on se cramponne convulsivement, car c’est la dernière. Nous disons la moins sérieuse de toutes, parce que personne en dehors des séminaires, ne s’en inquiète aujourd’hui, et que l’antiquité des védas, de Manou, et des civilisations indo-égyptiennes, par rapport à Moïse n’est plus à démontrer. Cela pouvait se discuter il y a quarante ans : en science sérieuse, on n’ose même plus poser la question. Et nous ne perdrions point notre temps ici à lui donner quelque importance, si nous ne savions pertinemment, que c’est à l’aide de cet argument vieilli que l’on séduit encore l’esprit de ceux qui n’ont point fait des sciences orientales l’étude particulière de leur vie.
L’anachronisme, ce n’est pas nous qui le commettons, et il est singulier de voir qu’il existe des gens qui donnent à la Bible une antiquité à laquelle elle ne prétend pas elle même. Moïse n’a-t-il pas été élevé à la cour des Pharaons d’Égypte, — d’après son récit, dont je ne me porte point garant, – et la civilisation égyptienne n’existait-elle point déjà de toute pièce, quand le législateur hébraïque entraîna dans le désert, les esclaves révoltés qui l’avaient choisi pour leur chef.
L’argument catholique qu’on nous oppose est à peu près de la valeur de celui-ci : Prouvez-moi que ce n’est pas Virgile qui a inspiré les rapsodes de l’llliade et de l’Odyssée. Il est certain que si ce livre n’était conçu dans le but de vulgariser, d’initier la masse des lecteurs, aux découvertes orientales, et aux vérités nouvelles exhumées par la science, nous ne répondrions pas!
Démontrons-donc aux écrivains catholiques l’impossibilité de leurs prétentions, en les prévenant toutefois que nous ne sommes point leur dupe, car, comme nous ne faisons que rapprocher des faits chronologiques indiscutables, et que ce n’est point nous qui parlons, mais l’histoire… mais le monument… mais l’inscription… mais le livre, cet anachronisme ne peut être le fruit que de l’ignorance ou de la mauvaise foi.
Procédons par citations; le lecteur comprendra qu’en science pure il y a longtemps que le débat est vidé, et que nous n’apportons pas ici une opinion personnelle.
« Il est évident pour moi, dit le savant professeur Brugsch, que la langue des anciens Égyptiens a sa racine dans le sémitique. On peut prédire que la philologie sera un jour étonnée de l’étroit lien de parenté qui rattache la langue égyptienne à ses sœurs sémitiques, et du fait positif que toutes ont une mère commune dont on doit chercher le siège sur les rives de l’Euphrate et du Tigre. » Le samscrit! — L’Égypte a été colonisée par l’Inde, preuve par la langue! Dictionnaire des Hiéroglyphes. (Introduction.)
« Les premiers rois de l’Inde portèrent le nom de Manou, en souvenir du grand législateur contemporain des Védas, ils précédèrent de plusieurs milliers d’années les dynasties Soma-Vansa et de Sourya-Vansa. » Collouca-Baila. (Histoire de l’lnde.)
« Sous le règne de Viswamitra, premier roi de la dynastie de Soma-Vansa, à la suite d’une bataille qui dura cinq jours, Manou-Vena, héritier des anciens rois, abandonné par les brahmes, émigra avec tous ses compagnons par l’Arie (lran) et les pays de Barria (Arabie), jusqu’aux rives de Masra (le Nil.) Collouca-Batta. (Histoire de l’inde.)
« Manès fut le premier roi de l’Égypte. Hérodote. – Manethon.
On sait qu’en samscrit Manou, Manès, Minos, sont des noms identiques signifiant le législateur, le chef!
Aux preuves tirées de la linguistique viennent s’ajouter les présomptions de l’histoire, en faveur de la filiation indoue de l’Égypte !
« L’Égypte, dit M. Edouard Dor dans son beau livre sur l’instruction publique de ce pays, elle aussi a subi l’influence universelle de l’Asie centrale. Si les documents nous manquent pour refaire l’histoire de cette invasion première, la langue et les coutumes sont là pour en tenir lieu. À la base du panthéisme égyptien, il n’est pas difficile de reconnaître une ressouvenance très-marquée du monothéisme asiatique primitif, du Dieu invisible et unique, de l’être par excellence duquel tout découle et auquel tout retourne . »
Cette invasion que signale M. Edouard Dor, est celle de Manou-Vena ou Manès qu’indique avec tant de précision l’historien indou Collouca-Batta que nous venons de citer.

La danseuse Uthara Unni

Quant au monothéisme asiatique, au Dieu invisible et unique duquel tout déroule et auquel tout retourne, que l’on retrouve en Égypte comme une ressouvenance du berceau, toute la première partie de ce livre est consacrée à l’étudier.
Ainsi à la linguistique, à l’histoire vient s’ajouter l’idée religieuse. Il y a unanimité dans la science pour reconnaître que l’Égypte a été colonisée par une émigration partie des provinces centrales de la haute Asie.
Où donc était le législateur Moïse, à l’époque où Manou-Vena ou Manès apportait sur les rives du Nil la vieille civilisation brahmanique, et à son imitation divisait le peuple en quatre castes: la caste des prêtres, celle des guerriers, celle des artisans, et celle des prolétaires ? Nous pourrions multiplier les citations et les exemples… mais ce serait accorder à l’argument catholique une importance qu’il n’a pas dans l’état actuel de la science. Arrivons rapidement à la réponse plus spéciale que nous désirons lui faire.
Il serait par trop absurde de vouloir rechercher l’influence de la loi mosaïque dans l’Inde, huit ou dix mille ans avant la naissance de Moïse… Voyons du moins, si cette influence a pu chronologiquement s’exercer sur l’Égypte ancienne.
Après Manès, l’Égypte se fractionne en plusieurs États distincts; il est logique de penser que les principaux guerriers qui avaient émigré avec le chef se déclarèrent rois après sa mort. À dater de ce moment, dix-huit dynasties de rois, ayant régné près de trois mille ans, nous séparent encore de Moïse. Grâce à l’admirable découverte de Champollion, qui parvint à déchiffrer les hiéroglyphes (écriture des prêtres), ces dynasties ont pu être établies de la manière suivante :
1re et 2e dynasties  : Thinite—Thébaines.
3è et 4è  : Memphites.
5è : Éléphantite.
6è, 7è et 8è : Memphites.
9e et 10e : Héliopolites.
11°, 12è et 13è : Thébaines.
14è : Xoïte.
15è, 16è et 17è : Thébaines.
C’est entre la dix-septième et la dix-huitième dynastie que les pasteurs de l’Arabie, sous la conduite de Salatis, envahirent l’Égypte qu’ils occupèrent pendant plus de cinq cents ans; Thoutmas les ayant chassé, commence les dix-huitième, dix-neuvième et vingtième dynasties thébaines. C’est sous le règne de ces princes, que la Bible appelle pharaons, entre la dix-neuvième et vingtième dynastie, que Moïse se mit à la tête de la caste servile d’Égypte.
Il ne saurait donc être question de Moïse, que trois mille ans après Manès, le chef de l’émigration indoue, et après que dix-neuf à vingt dynasties eurent succédé à ce premier roi de l’Égypte.
Citons encore un passage de M. Édouard Dor, à ce sujet :
« Aux dix dynasties de l’ancien empire qui ont duré environ dix-sept siècles, succède le moyen empire; le règne d’Ousertasen, d’Aminemha, de Sébekhoteb. Le siège de la monarchie qui avait été jusque-là plutôt dans le nord, à San, à Memphis, à Xoïs, ou à Héracléopolis, remonte vers le sud ; Thèbes devient capitale, et pendant des siècles, sous les onzième, douzième, treizième dynasties, etc…. reste avec le Fayoum la résidence des rois. Puis viennent les Hycsos ou rois pasteurs (à la fin de la dix—septième dynastie) qui, conquérants étrangers, s’emparent de la Basse-Égypte, et c’est sous leur règne qu’il faudrait placer l’épisode de Joseph et de ses frères, dont aucune preuve historique ne peut confirmer l’authenticité… Après l’expulsion des pasteurs , l’Égypte retrouve une vie nouvelle, c’est l’époque de Toutmès, de Ramsès Ier, de Seti, de Ramsès II, de Memphtah; ces deux derniers, les pharaons contemporains de Moïse. »
Ainsi aucun doute au point de vue historique, sur l’époque où Moïse a soulevé les parias d’Égypte suivant nous, les Hébreux suivant la fable biblique. Trois mille ans environ séparent le chef d’Israël du législateur Menés, qui lui-même était séparé du Manou indou, par une période de temps de quatre ou cinq mille ans au moins.
On ne saurait donc, que par plaisanterie, ou dans le but de tromper sciemment le lecteur, parler encore de l’influence de Moïse sur Manès, Manou, les védas et les anciennes civilisations de l’Orient.
Un dernier mot pour ne rien laisser dans l’ombre : même après ces indications historiques, qu’il n’est permis à personne de mettre en doute aujourd’hui, nous prévoyons que les champions de la révélation mosaïque pourraient bien soulever cette dernière objection : — « Qui nous prouve que Moïse et les Hébreux n’aient quitté l’Égypte que sous la dix-neuvième ou vingtième dynastie, et que ce départ au contraire ne soit pas de beaucoup plus ancien? »

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Manifestation de divinité

La réponse se déduit toute seule des faits historiques que nous venons d’exposer. A moins d’appliquer à l’histoire le scepticisme philosophique des Pyrrhoniens, et d’en arriver à nier sa pensée et sa propre existence, il est des faits qu’on ne peut révoquer en doute. C’est un fait établi par la Bible elle-même : que c’est de la Basse-Égypte, où régnaient les pharaons des dix-huitième, dix-neuvième et vingtième dynasties que les Hébreux et Moïse partirent pour chercher un lieu où ils pourraient planter leurs tentes:
« Et ils partirent d’Elim pour venir au désert de Sin qui est entre Élim et Sinai…» (Exode)
Or, comme ce sont les Hycsos ou rois pasteurs qui ont conquis la Basse-Égypte dont ils furent chassés par les pharaons de la dix—huitième dynastie thébaine, il s’ensuit que les Hébreux, n’ont pu s’établir dans la Basse-Égypte à la suite des Égyptiens, ni la quitter sous la conduite de Moïse, avant que cette contrée n’ait été conquise et soumise aux pharaons.
Il est impossible, croyons-nous, de démontrer d’une manière plus évidente, le peu d’antiquité de la tradition mosaïque, recueillie par Moïse et ses successeurs, et qui n’est qu’un abrégé informe des vieilles traditions égyptiennes et asiatiques.
Mais nous aurons beau écrire, descendre jusqu’à prouver, comme en ce chapitre, des vérités indiscutables; les sectaires romains n’en continueront pas moins à placer Moïse et leur révélation, au berceau du monde, et à nier d’autorité tout ce qui pourrait toucher à leurs fétiches.
Leur règne ne finira qu’avec l‘ignorance des masses, qui est leur plus fidèle alliée; c’est pour cela qu’ils se cramponnent à cette dernière planche de salut, comme un marin sur son esquif renversé, ne songeant, en ces heures de tristesse et de deuil pour la patrie, qu’à la réédification d’un passé odieux et au rétablissement de leur influence.
Mais qu’ils le sachent bien, le temps ne remontera pas le cours des ans, la démolition est commencée, chaque jour tombe une pierre de leurs temples, un lambeau de leurs bannières; il n’est plus de miracles, il n’est plus de sorciers capables de rajeunir leur révélation, de redorer leur blason, c’est en vain qu’ils essayeront de galvaniser le cadavre, ils ne lui rendront point la vie !…
L’homme d’aujourd’hui sait ce qu’il lui en a coûté de parler à Dieu par la voix du prêtre. Tout l’Orient mort sous le brahme et le bonze, et dix-huit siècles de proscriptions, de servages,de bûchers et de ruines, lui ont appris ce que vaut l’alliance du trône et de l’autel !
Répétons-le jusqu’à satiété, le seul, le véritable ennemi des sociétés modernes, c’est la révélation !… L’homme qui croit sincèrement que Dieu a pu apparaître dans des buissons ardents, lutter par la magie avec les prêtres de Pharaon, parler par la voix d’un âne (Balaam), faire massacrer vingt à trente mille hommes pour les motifs les plus absurdes, conseiller à son peuple de tuer à la guerre les vieilles femmes, mais de réserver les vierges pour son usage, et mille autres folies, cruautés ou obscénités de ce genre, ne jouit plus de son libre arbitre: député, magistrat, général, il n’est plus qu’un instrument sacerdotal, d’autant plus dangereux qu’il est plus convaincu.
Sous de pareilles croyances, l’intelligence s’oblitère, elle n’est maîtresse d’elle-même qu’aux heures où la foi veut bien le lui permettre; et on arrive par d’étranges associations d’idées, à excuser les crimes les plus atroces commis sous le voile de l’intérêt catholique.
J’ai connu des hommes considérables, qui prétendaient que l’inquisition fût une nécessité de l’époque… et que pour apprécier le massacre des Vaudois, il faut se reporter aux mœurs du temps…
Pour nous, qui savons avec quelle facilité certaines gens nous ramèneraient à ces âges bénis de la domination judaïco-romaine, nous poursuivrons courageusement notre œuvre en signalant toutes les origines superstitieuses de la révélation mosaïque, et tous les emprunts faits par le catholicisme aux religions de la haute Asie.

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Extrait de : Louis Jacolliot, Les fils de Dieu, Albert Lacroix et Cie Éditeurs, Paris, 1973, pp. 212-220

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Notes :

[1]. D’après les « lectures » d’Edgar Cayce, cf. Dorothée Koechlin de Bizemont, L’Univers d’Edgar Cayce, Tome 1, Paris, Ed. Robert Laffont, 1991, 409 p.
[2]. https://fr.wikipedia.org/wiki/
[3]. H.P.B. n’a pas revendiqué d’être l’auteur de cet ouvrage ou de Isis dévoilée. Humblement H.P.B. dit que c’était comme si elle écrivait sous la dictée de ses Maîtres. Ce ne sont pas là uniquement des ouvrages d’érudition, et H.P.B. n’était pas une savante au sens académique du terme : La doctrine secrète ce sont des commentaires d’un très vieux texte gardé secret au Tibet et en Chine, Le Livre de Dzyan, une des plus anciennes archives de l’humanité inconnue avant cette révélation par H.P.B. Même avec des commentaires ce n’était pas facile, on ne peut lire ces ouvrages comme on lisait un roman ou un essai, alors sans commentaires, le Livre de Dzyan serait incompréhensible.
Anecdote amusante : H.P.B. cite un passage extrait des Archives du Vatican déposées dans une pièce où personne n’a le droit d’entrer, un gardien était là pour empêcher toute intrusion. Le Vatican découvre cette citation lors de l’édition de La doctrine secrète, les autorités pontificales pensaient alors que le gardien n’avait pas fait son travail car il a dû la laisser entrer, on décida de virer le gardien. Ayant appris cela, Mme Blavatsky fit un courrier au Vatican pour dire qu’elle n’est pas entrée physiquement dans la Bibliothèque.

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Illustrations :

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