Le déluge d’après le Maha-Baharata et les traditions brahmaniques

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« Toutes les créatures qui m’ont offensé seront détruites dans sept jours, mais toi tu seras sauvé dans un vaisseau miraculeusement construit ; prends par conséquent… avec sept saints hommes , vos femmes respectives, et des couples de toutes espèces d’animaux, et entrez sans crainte dans l’arche ; tu connaîtras alors Dieu face à face, et tu auras réponse à toutes tes questions » Bhagavata Puruna

Afin de rendre la lecture plus fluide, nous insérons au début de chaque article des liens de cette série inédite d’une vingtaine d’extraits de plusieurs ouvrages sur l’origine du christianisme et ses rapports avec les anciennes religions de l’Inde, bref une comparaison de la Bible avec les anciens textes sanscrits. C’était l’oeuvre de Louis Jacolliot (1837 – 1890), magistrat français aux Indes au temps de la colonisation.

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Ici nous n’avons que l’embarras du choix; il n’est pas un livre de l’Inde ancienne, traité de théologie ou poème, qui ne tienne à donner sa version sur le grand cataclysme dont tous les peuples ont gardé le souvenir.
Voici un abrégé du récit des Védas sur cet événement :
« Suivant la prédiction du Seigneur, la terre se peupla, et les fils d’Adima et d’Héva devinrent bientôt si nombreux et si mauvais qu’ils ne purent plus s’accorder entre eux. Ils oublièrent Dieu et ses promesses, et finirent par le lasser du bruit de leurs sanglantes querelles.« Un jour même, le roi Daytha eut l’audace de lancer ses imprécations contre la foudre, la menaçant, si elle ne se taisait, d’aller conquérir le ciel à la tête de ses guerriers.
« Le Seigneur résolut alors d’imposer à ses créatures un châtiment terrible, qui pût servir de leçon à ceux qui survivraient et à leur descendance. » (Ainsi qu’on peut le voir, Brahma ne regrette point, comme le Jéhovah de la Bible, d’avoir créé le monde, faiblesse qui s’accorderait mal avec sa prescience.)
Brahma ayant jeté les yeux sur ce monde, pour savoir quel était entre tous l’homme qui méritait d’être sauvé et de conserver la race humaine, il choisit Vaiwasvata à cause de ses vertus, et voici comment il lui fit connaître sa volonté et ce qui en arriva.
Vaiwasvata était arrivé à cet âge de la vie où les fervents serviteurs de Dieu doivent quitter leur famille, leurs amis, pour se retirer dans le désert et dans les forêts, pour y finir leurs jours au milieu d’austérités de toute nature, dans la perpétuelle contemplation de la pure essence divine.
Un jour, comme il était à faire ses ablutions sur les bords sacrés de la Viriny, un petit poisson orné des plus brillantes couleurs vint s’échouer sur le sable.
— Sauve-moi, dit ce dernier au saint personnage; si tu n’écoutes ma prière, je vais être infailliblement dévoré par les poissons plus gros que moi qui habitent cette rivière.
Ému de pitié, Vaiwasvata le plaça dans le vase de cuivre qui lui servait à puiser dans la rivière et l’emporta dans sa demeure ; il se mit à grossir avec une telle rapidité que bientôt un vase plus grand ne pouvant le contenir, Vaiwasvata fut obligé de le transporter dans un étang, où sa croissance continuant avec la même rapidité, il demanda à son sauveur à être porté dans le Gange.
— Cela est au-dessus de mes forces, répondit le saint ermite, il faudrait être Brahma lui-même pour te tirer de là maintenant.
— Essaye toujours, répondit le poisson.
Et Vaiwasvata, l’ayant saisi, le souleva avec la plus grande facilité et s’en fut le déposer dans le fleuve sacré, et non-seulement l’énorme poisson était léger comme un fétu de paille, mais encore il répandait autour de lui les parfums les plus suaves.
Vaiwasvata comprit qu’il accomplissait la volonté du Seigneur, et fut dans l’attente de merveilleux événements.
Le poisson ne tarda pas à le rappeler, et cette fois il demanda à être conduit dans l’Océan, ce qui fut accompli avec le même empressement, il dit alors à son sauveur :
« — Écoute, ô homme sage et bienfaisant, le globe va être submergé et tous ceux qui l’habitent seront anéantis, car voici que la colère du Seigneur va souffler sur les nuages et sur les mers, pour les charger du châtiment de cette race mauvaise et corrompue, qui oublie son origine et la loi de Dieu. Tes semblables ne savent plus contenir leur orgueil et ils osent braver leur Créateur, mais leurs menaces sont arrivées jusqu’au pied du trône de Brahma, et Brahma va faire connaître sa puissance.

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Un poisson gigantesque vient guider la famille de Vaiwasvata pour la protéger du déluge

« Hâte-toi donc de construire un vaisseau dans lequel tu t’enfermeras avec toute ta famille.
« Tu prendras aussi des graines de chaque plante et un couple de toutes les espèces d’animaux, en laissant tous ceux qui naissent de la pourriture et des vapeurs, parce que leur principe de vie n’est pas émané de la grande âme.
« Et tu attendras avec confiance. »
Vaiwasvata se hâta de suivre cette recommandation, et ayant construit ce navire il s’y enferma avec toute sa famille, les graines des plantes et un couple de tous les animaux, ainsi qu’il avait été dit.
Dès que la pluie commença à tomber et les mers à déborder, un poisson monstrueux, muni d’une corne gigantesque, vint se placer à la tête du navire, et Vaiwasvata, ayant attaché un câble à cette corne, le poisson s’élança au milieu de tous les éléments déchaînés et se mit à guider le navire.
Et ceux qui le montaient virent que la main de Dieu les protégeait, car l’impétuosité de la tempête et la violence des vagues ne purent rien contre eux.
Cela dura ainsi des jours, des mois, des années, jusqu’au moment où l’oeuvre de destruction fut entièrement accomplie. Les éléments s’étant calmés, les voyageurs, toujours guidés par leur mystérieux conducteur, purent aborder au sommet de l’Himalaya.
« C’est Vischnou qui vous a sauvés de la mort, leur dit le poisson en les quittant; c’est à sa prière que Brahma a fait grâce à l’humanité ; allez maintenant accomplir l’oeuvre de Dieu, et repeuplez la terre. »

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Le prophète Noé et son arche dans le Coran

Suivant la tradition, c’est en rappelant à Brahma qu’il avait jadis promis de l’envoyer sur la terre pour ramener les hommes à la foi primitive et racheter leurs fautes, que Vischnou obtint que Vaiwasvata serait sauvé, afin que la promesse de Dieu put s’accomplir plus tard.
Cette légende, pensons-nous, peut se passer de tout commentaire, et le lecteur saura aisément apercevoir toutes les conséquences qui en découlent.
Selon les uns, Vaiwasvata fut le père par sa descendance des peuples nouveaux.
Selon les autres, il n’eut qu’à jeter des pierres dans la boue causée par les eaux, pour faire naître des hommes en aussi grand nombre qu’il le voulut.
C’est, d’un côté, le mythe retrouvé et adopté par le judaïsme et le dogme chrétien.
De l’autre, c’est la tradition de Deucalion et Pyrrha, apportée en Grèce par les chants poétiques des émigrants.

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Extrait de La Bible dans l’Inde. Vie de Iezeus Christna de Louis Jacolliot, A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie. Éditeurs, Paris, pp. 248-251.

Illustrations:

– Un poisson gigantesque vient guider la famille de Vaiwasvata pour la protéger du déluge:
https://kathakhyana.wordpress.com/
– Le prophète Noé et son arche : https://fr.wikipedia.org/

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