Impossibilité de l’influence biblique sur le monde ancien

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« Nous saurons un jour que toutes les traditions antiques, défigurées par l’émigration et la légende, appartiennent à l’histoire de l’Inde. » Eugène Burnouf (1801-1852)

Afin de rendre la lecture plus fluide, nous insérons au début de chaque article des liens de cette série inédite d’une vingtaine d’extraits de plusieurs ouvrages sur l’origine du christianisme et ses rapports avec les anciennes religions de l’Inde, bref une comparaison de la Bible avec les anciens textes sanscrits. C’était l’oeuvre de Louis Jacolliot (1837 – 1890), magistrat français aux Indes au temps de la colonisation.

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Quelques écrivains catholiques, dans un enthousiasme que je comprends, ont voulu faire de Moïse l’initiateur des peuples anciens.
On pourrait, je crois, sans grand danger, ne pas faire à cette opinion l’honneur d’une discussion ; les hommes sérieux et nourris de l’antiquité seront de cet avis. Cependant, un semblant d’objection peut naître de cette prétention.
Voyons donc ce qu’elle vaut.
Je comprends qu’une grande nation, l’empire romain, par exemple, puisse faire accepter son influence aux peuples qu’elle soumet à ses lois par la conquête. Je comprends qu’un petit peuple, les Athéniens, par exemple, arrive, par le développement extraordinaire de son génie artistique, de son génie littéraire, philosophique et moral, à servir de modèle à ses successeurs dans cette grande voie du progrès qui sillonne le monde et ne connaît pas de nationalités. En effet, on n’effacera pas de la scène du monde civilisé les siècles de Périclès et d’Auguste.
La Judée peut-elle revendiquer un pareil passé?
Où sont ses grandes conquêtes portant au loin l’influence de son nom?
Où sont ses monuments artistiques, philosophiques et littéraires?
Nés de l’esclavage, descendants des parias de l’Égypte, les Hébreux errent pendant longtemps dans le désert ; repoussés de tous côtés par les peuplades limitrophes qui ne voulaient ni s’allier avec eux, ni leur permettre le passage sur leurs terres, ils se précipitent un beau jour, comme une horde de sauvages affamés, sur les petites tribus de la Palestine, brûlant, saccageant, massacrant, qui les Amalecites, qui les Chananéens, qui les Madianites, qui les Amorrhéens, etc….
Voilà leurs conquêtes !
Jamais ramassis de brigands obscurs, d’envahisseurs nomades, ne laissèrent derrière eux tant de ruines noyées dans le sang. Il est vrai que ces attaques violentes et ces pillages s’accomplirent au nom de Jéhovah, ce qui, pour beaucoup de gens, est encore aujourd’hui une excuse suffisante.
En effet, ce Dieu de paix et d’amour ne trouvait jamais ses adorateurs assez féroces,… son bain rouge assez profond. Avait-on épargné quelques malheureuses mères et leurs petits enfants, sa colère faisait tressaillir la nue ; il éclatait en menaces épouvantables contre les Hébreux qui n’exécutaient pas entièrement ses ordres,… et vite qu’on égorge toutes ces vieilles femmes et ces enfants, qui ne sont bons à rien : ne conservez que les vierges.
Est-ce assez moral, est-ce assez curieux d’impudeur?

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Passage de la Mer Rouge.

Je me suis toujours demandé pourquoi les partisans de la révélation repoussaient le Coran; ils trouveraient là, cependant, des leçons d’humanité que l’épouvantail hébraïque s’est bien gardé de leur donner.
Heureusement que ces scènes de carnage, que toutes ces turpitudes ne dépassèrent pas le cercle restreint de la Judée, et que les anciens maîtres de l’Égypte, ainsi que les Assyriens et les Babyloniens, se dérangèrent de temps en temps pour venir mettre à la raison ces forcenés, qui ne purent jamais vivre en paix, ni abandonner le goût du pillage et des rapines.
Ce n’est donc point par de tels exemples que ce petit pays, perdu au milieu des nations de l’antiquité et englobé plus tard dans la conquête romaine, a pu exercer son influence.
Si nous nous retournons du côté du progrès dans la littérature, dans la philosophie, dans les arts et les sciences, nous sommes obligé d’avouer, et nous bénirions celui qui nous démontrerait notre erreur, que nous ne trouvons que la nuit la plus obscure et la plus profonde ignorance.
Il n’est pas un peuple au monde qui ait si peu fait, si peu produit, si peu pensé. Nous avons cet art colossal de l’Égypte qui fait rêver par le gigantesque de ses proportions, s’il ne force pas l’admiration par la beauté et la sublimité de ses œuvres, comme l’art athénien.
Nous avons l’art indou, père de celui de l’Orient tout entier, qui se distingue également par la grandeur et la majesté. Les fouilles modernes ont retrouvé les sculptures enfouies de Babylone et de Ninive.
Où sont les legs artistiques de la Judée?
Oh! je connais la réponse.
Les Hébreux n’eurent pas d’art. Lisez la Bible et les descriptions du temple dédié à Jéhovah.
Les Hébreux n’eurent pas de poésie, pas de littérature.
Lisez la Bible.
Les Hébreux n’eurent pas de sciences morales et philosophiques. Lisez la Bible.
C’est toujours la Bible, la Bible encore… Tout est dans ce livre.
Hé bien ! là, franchement, cela ne peut me contenter, et, s’il faut vous le dire, la page la plus insignifiante de Platon ou de Vyasa, la tragédie la plus simple de Sophocle ou d’Euripide, une scène de Sacountala, un bras tombé d’une statue de Phydias, ou une sculpture de Dahouta feraient bien mieux mon affaire.
Vous ne voyez donc pas que ce peuple d’Israël, abêti par la servitude et qui avait gardé ses traditions errantes du désert, opprimé par un lévitisme aussi inepte que despotique, constamment du reste emmené en esclavage par les nations ses voisines, n’eut ni l’idée, ni le temps d’acquérir le goût des grandes choses. Aussi, quand on parle de civilisation hébraïque, prononce-t-on un mot vide de sens.
En quoi la Judée ressemble-t-elle à l’Égypte, à la Perse, à l’Inde, pour qu’on puisse y retrouver son influence. Elle ne se rapproche de ces contrées que par les superstitions que ces dernières n’avaient admises que pour la plèbe.
Les hautes classes, en Égypte et dans tout l’Orient, se livraient à l’étude des sciences, à la recherche des vérités immortelles qui ont été déposées en germe dans la conscience de l’homme. Elles croyaient à l’unité d’un Dieu tout-puissant, protecteur, suprême générateur du bien, image de la puissance et de la bonté, laissant aux esclaves et aux artisans les sacrifices d’animaux, les offrandes de graines et de pain, qui forment tout le bagage de la théologie judaïque.
Il est trop évident que les Hébreux ne firent que continuer leur tradition de servage, et il serait par trop ridicule de faire naître chez eux le souffle initiateur des temps anciens.
Est-ce que les sociétés égyptiennes et indoues n’existaient pas de toute pièce au moment où ces esclaves s’en fuirent ou furent chassés dans le désert.
Il y avait longtemps que l’Inde des Vedas avait dit son dernier mot : sa splendeur pâlissait pour faire place à la décadence.
L’Égypte s’apprêtait à secouer le joug sacerdotal pour se jeter dans les bras des rois, si déjà elle ne l’avait fait.
Comment la Judée aurait-elle pu léguer des coutumes, des mœurs, des croyances qu’elle adoptait précisément à l’époque où ces coutumes, ces mœurs et ces croyances se transformaient, se modifiaient chez les autres peuples qui, primitivement, les avaient possédées?
Est-ce que les Hébreux ne furent pas dans le monde ancien les derniers représentants du régime théocratique pur? Est-ce qu’ils ne furent pas les derniers à conserver ces castes de prêtres et de lévites qui, sur le modèle des hiérophantes d’Égypte, dominèrent le peuple par les mystères et les superstitions les plus grossières, et ne se génèrent point pour déposer les rois qui ne se firent pas les esclaves de leurs volontés ?
Les Israélites furent le peuple le plus méprisé de l’antiquité ; aucune des nations voisines n’avait oublié son origine servile. Aussi, quand elles voulaient des esclaves, savaient-elles se les procurer par une excursion sur les terres de la Judée.
Nous avons suffisamment répété que la Bible n’est pas un livre original; il suffit de la lire attentivement pour s’en convaincre; aucune des coutumes qu’elle impose ne lui appartient ; elles se retrouvent toutes dans les civilisations plus anciennes de l’Égypte et de l’Orient.
Dira-t-on que c’est ce livre qui a apporté dans le monde les sacrifices d’animaux, l’holocauste du bœuf, par exemple?
Ce serait mentir à l’histoire ou oublier que l’Égypte, la Perse et l’Inde accomplissaient ces sacrifices bien long temps avant que Moïse les ait ordonnés.
Le système des purifications par les ablutions est aussi vieux que le monde chez les peuples asiatiques, et là encore l’innovation est impossible.
Bien plus, la Bible fut si bien un abrégé des anciens livres sacrés, entrevus par Moïse à la cour des Pharaons, qu’à chaque instant elle copie des passages inexplicables en eux-mêmes et qui se rapportent à des livres entiers de Manou ou des Védas, qu’elle a oublié de transcrire.
Ainsi vous trouvez constamment cette prohibition :
« Les prêtres ne toucheront ni aux morts, ni aux animaux rampants, ni à tout ce qui a été déclaré impur, car ils deviendraient impurs eux-mêmes. »
Où est le chapitre spécial des choses impures, de tout ce qu’il est défendu de toucher sous peine de souillure?
Il n’existe pas dans la Bible. Elle parle bien çà et là de quelques impuretés de l’homme, de la femme et de certains animaux, mais tout cela est noyé, à droite et à gauche, dans un fouillis de répétitions oiseuses qui ne permet jamais de dégager la pensée, cause de la loi.
Dans les livres sacrés des Indous, au contraire, on trouve une nomenclature complète et spéciale de tous les cas d’impuretés et de tous les objets qui les occasionnent, avec la manière de se purifier, ainsi que de nombreuses explications de l’esprit qui a présidé à ces ordonnances.
Qui donc doit procéder l’un de l’autre?
Est-ce la doctrine détaillée, rationnelle de l’Inde sur ces matières? Sont-ce, au contraire, ces fragments de la Bible écrits à la hâte, sans ordre, sans méthode et qui ne peuvent s’expliquer qu’en remontant aux sociétés plus anciennes qui nous en donnent la clef.
Cela ne souffre pas l’examen.
Dira-t-on que la Bible a apporté aux peuples cette grande idée de l’unité de Dieu que nul, jusqu’à elle, n’avait su dégager de la superstition et des mystères?
A cela nous répondrons que Moïse n’a fait que défigurer l’idée première qu’il avait puisée dans la théogonie égyptienne, et que son Jéhovah, irascible, sanguinaire et destructeur de nations, loin d’être un progrès, n’est que le pervertissement de la croyance primitive.
Ce n’est pas ainsi nous le verrons bientôt, que l’Inde comprit le souverain maître de toutes choses.
Je fais beaucoup plus de cas du Jupiter grec que du Dieu de Moïse, et s’il nous donne quelques exemples qui n’appartiennent pas à la morale la plus recherchée, au moins ne fait-il pas baigner les pieds de son autel dans des flots de sang humain.
Dira-t-on encore que Moïse nous a conservé les traditions de la création de l’homme et du déluge?
Nous prouverons qu’il n’a fait que les obscurcir de fables ridicules, ce qu’il n’a pas manqué de faire, du reste, pour toutes les choses auxquelles il a touché.
Comment trouve-t-on ce conte des Mille et une Nuits qui attribue au rapt d’une pomme la sortie de nos premiers parents du Paradis terrestre et tous les maux qui, depuis, affligent l’humanité?
Il faut peu de chose, avouons-le, pour contenter la sagesse humaine. Je m’étonne cependant qu’avec la foi en pareilles choses on ose plaindre les populations ignorantes qui ont conservé la croyance aux sorciers.
Allons, c’est trop nous arrêter sur un pareil sujet, et peut-être n’eussions-nous pas dû accorder tant d’importance à cette objection qui, sans aucun doute, ne pourra trouver de souteneurs que chez les gens qui ont inscrit sur leur drapeau cette devise que nous avons déjà rencontrée sur notre chemin :
Credo quia absurdum.

Le bilan de la Bible – Châtiment – Massacre – Destruction

[…]
Plus nous avancerons, et plus nous aurons l’occasion de constater que, si la Judée changea quelque chose à la civilisation léguée par l’Inde et l’Égypte, ce ne fut que pour faire un retour à la barbarie, à la cruauté des premiers âges, où l’homme nomade ne reconnaissait le droit que par la force.
— Cède-moi la terre, ou je te tue, dit Caïn à Abel.
— Obéissez, courbez-vous sous la parole de Dieu, ou la mort ! dit Moïse aux Hébreux, et ces derniers à leur tour s’en furent droit aux peuples leurs voisins et leur dirent :
— Cédez-moi vos richesses, vos filles vierges et vos maisons, ou vous serez détruits par le fer et le feu.

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Moïse et le Buisson ardent.

Je ne puis résister au désir de faire en quelques lignes le bilan de tous les massacres accomplis, de tout le sang versé d’après les ordres de Jéhovah, soit par Moïse et ses successeurs sur les Israélites eux-mêmes, soit par ces derniers sur les peuples qu’ils voulaient anéantir pour s’emparer de leurs dépouilles.
Ce ne sera point sortir de mon sujet. Outre qu’il y aura là un haut enseignement religieux et moral, j’en pourrai tirer aussi un victorieux argument contre ceux qui ne manqueront pas de nier l’authenticité des livres sacrés des Indous, pour pouvoir soutenir qu’ils ont copié la Bible.
Les sublimes traditions sur l’unité de Dieu, la trinité, la création, la faute originelle et la rédemption eurent pour résultat dans l’Inde une haute civilisation philosophique et morale.
La copie de ces traditions, qui n’étaient point nées sur le sol hébraïque, ne put régénérer un peuple qui, sorti du meurtre et des rapines, ne sut vivre que par les rapines et le meurtre.
Les premiers chapitres de la Genèse hébraïque ne sont point à leur place dans ce livre, qui n’est que le panégyrique audacieux de la violence et de la destruction. Il faut restituer cette Genèse aux Védas, à qui elle appartient. Que toutes les superstitions du passé se soulèvent pour crier anathème !
Voilà mes opinions…
Et voici mes preuves…
Depuis que nous nous occupons de Moïse, nous n’avons point laissé passer une page sans montrer l’indignation qu’excitent en nous le sombre fanatisme et les cruelles doctrines de ce livre de la Bible, devant lequel s’agenouillent les masses, sans l’ouvrir et le comprendre, qui pour beaucoup est l’œuvre suprême de la loi, de la sagesse, mais qui n’est pour nous qu’un code de superstitions et de cruautés.
Voyons, dépouillez-vous de cette admiration banale qui n’est point de votre fait et que l’esprit de parti s’efforce de vous inculquer à genoux ; descendez au dedans de vous-même ; fiez-vous à cet intime bon sens qui est toute la force de la conscience ; puis lisez et jugez.

— Jéhovah, pour faciliter la sortie des Hébreux d’Égypte, ne trouve pas de meilleur moyen que de mettre à mort tous les premiers nés des Égyptiens, c’est-à-dire de frapper des innocents.
— Les Hébreux, en s’enfuyant, soustraient tous les vases d’or et les riches habits qu’ils peuvent emporter.
— Jéhovah ordonne aux Hébreux de retourner sur leurs pas, afin que Pharaon, les voyant, se mette à leur poursuite et qu’il puisse l’anéantir avec toute son armée. (Vengeance inutile et cruelle, puisque les Hébreux sont hors de danger.)
— Les Israélites, mourant de faim dans le désert, Jéhovah leur envoie des cailles et de la manne.
— Après l’adoration du veau d’or, Jéhovah furieux veut détruire tous les Israélites ; Moïse implore pour eux et le prie de se contenter de vingt trois mille, qu’il fait égorger par les prêtres. Après ce fait d’armes, le Dieu consent à bénir les Hébreux. (Ce n’est que dans les théogonies des cannibales que l’on pourrait, je crois, rencontrer de telles atrocités.)
— Jéhovah annonce aux Hébreux que s’ils le forcent de nouveau à se manifester à eux, il les exterminera.
— Moïse demande à voir Jéhovah en face, ce dernier lui répond qu’il ne peut se montrer à lui que par derrière : « Tollam que manum meam, et videbis posteriora mea. » (Quelles tristes absurdités !)
— Nadab et Abiu sont punis de mort pour avoir offert un sacrifice avec du feu étranger.
— Quiconque tue un bœuf, ou une brebis, ou une chèvre, destinés & être consacrés au Seigneur, est puni de mort.
— Celui qui consacre ses enfants aux idoles est puni de mort.
— Les Israélites fatigués murmurent contre le Seigneur ; il envoie un feu contre eux qui en dévore un grand nombre.
— Jéhovah envoie pour la seconde fois des cailles aux Israélites, mais il fait mourir tous ceux qui en mangent outre mesure.
— Marie, sœur d’Aaron, ayant murmuré contre Moïse, le Dieu la frappe de la lèpre.
— Les Hébreux ayant murmuré de nouveau, il les condamne à mourir dans le désert, depuis vingt ans et au dessus.
— Coré, Dathan et Abiron, et une partie du peuple, s’étant révoltés contre Aloïse, ils furent dévorés par le feu que Jéhovah fit sortir des entrailles de la terre.
— Nouveaux murmures du peuple; le même feu détruit quatorze mille sept cents personnes.
— Les Hébreux ayant encore blasphémé contre Jéhovah, il envoie contre eux un serpent de feu qui en fait mourir un grand nombre.
— Les Israélites, par ordre de Dieu, détruisent les Chananéens et les Amorrébens; ils taillent en pièces Og, roi de Basan, et tout son peuple, sans qu’un seul homme ait pu parvenir à s’échapper; ils s’établissent sur le sol conquis.
— Vingt-quatre mille Israélites sont massacrés par les prêtres pour avoir eu commerce avec les filles des Moabites.
— Jéhovah ordonne à Moïse de punir les Madianites; douze mille Israélites marchent contre eux. Tous les hommes sont passés au fil de l’épée, les rois sont tués et les femmes emmenées en captivité.
— Moïse se fâche de ce que toutes les femmes madianites ont été épargnées; il les fait tuer avec tous les enfants mâles, ordonnant de ne réserver que les vierges. « Puellas autem, et omnes ftminas virgines reservate vobis. »

Qu’est-il besoin de continuer plus longtemps ces citations, et l’histoire tout entière de ces premiers temps des Hébreux pourrait-elle nous montrer autre chose que des ruines, des massacres et de honteuses superstitions?
Est-il un peuple qui ait eu de pareils débuts et qui ait osé les mettre sous la protection de l’Être suprême?

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Adoration du Veau d’or.

En admettant que tous ces massacres aient pu avoir lieu, on ne peut leur trouver d’autres raisons que le fanatisme de Moïse, faisant tuer par ses séides, par ses prêtres quiconque se permettait le moindre murmure contre son autorité et celle du Dieu qu’il imposait.
Peut-être aussi le désert ne pouvant procurer la nourriture suffisante du peuple entier, le dictateur se décidait-il à le décimer pour éviter des scènes de carnage plus violentes, que la faim n’eût pas manqué de susciter.
Quoi qu’il en soit, cette époque et ce peuple sont jugés pour nous, et il n’y a pas dans l’histoire du passé de plus grandes preuves du pervertissement et de la faiblesse de l’humanité que celles qui nous viennent de là.
Il en est qui voient dans tous ces massacres, ne respectant ni enfants ni femmes hors les vierges… une manifestation de la puissance de Dieu. Nous préférons y voir une manifestation de l’esprit du mal, régnant sans partage sur ces hordes barbares et indisciplinées qui, depuis leur départ d’Égypte, ne surent marquer leur passage que par le rapt, le pillage et l’assassinat, semblables aux nomades arabes, leurs bien proches parents, qui dévastent encore ces contrées.
Non, ce n’est point chez ce peuple que nous irons chercher les origines de nos croyances et de nos traditions religieuses et philosophiques, et ce n’est point de ce livre de la Bible que nous ferons sortir la foi nouvelle des nations modernes.
Le Christ est venu fouler aux pieds toutes ces superstitions. Juif, il renia les Juifs, car cet apôtre de l’égalité du bien pour le bien et de la foi en l’éternelle bonté de l’Être suprême ne pouvait rien avoir de commun avec la loi de vengeance de Jéhovah.
Moïse avait entrevu l’unité de Dieu et les primitives croyances sur la création par les traditions de l’Égyptien Manès. Dominateur d’un peuple, il employa sa science au profit de sa domination et de celle de ses initiés, et il marcha par le feu et le sabre, léguant ses doctrines et son rôle à Mahomet, qui plus tard devait fonder, en imitant ses exemples et copiant son livre de la loi.
Le Christ, dédaignant Moïse et Manès, et leur inspirateur Manou, et se reportant jusqu’aux admirables enseignements de Christna, que le brahmanisme et le pouvoir des prêtres avaient fait oublier, vint annoncer aux hommes la loi de charité et d’amour, qui avait été celle des anciennes populations de l’Orient.
Christna et le Christ, voilà les deux plus admirables figures de l’ancien monde et du nouveau, figures de régénération, de concorde, d’amour et de poésie, idéalisant le bien et le beau, et reflétant le ciel comme l’eau pure reflète le jour!
Christna fut étouffé par le brahmanisme.
Veillons à ce que le lévitisme n’étouffe point le Christ.

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Extrait de : La Bible dans l’Inde. Vie de Iezeus Christna de Louis Jacolliot, A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie. Éditeurs, Paris, 1869, pp. 202-208 & 157-161.

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Illustrations

– Passage de la Mer Rouge. Tableau de Nicolas Poussin (1594-1665)
https://fr.wikipedia.org/wiki/
– Moïse et le Buisson ardent. Extrait de fresque, synagogue de Doura-Europos, milieu du IIIe siècle :
https://fr.wikipedia.org/
– Adoration du Veau d’or : http://kerdonis.fr/

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