À propos du monothéisme

vignette« Tout ce que le monde renferme est la propriété du brahme (prêtre); par sa primogéniture et par sa naissance il a droit à tout ce qui existe. » Manava-Dharma-Sastra – Livre I, sloca 99 et suivants.

 

Afin de rendre la lecture plus fluide, nous insérons au début de chaque article des liens de cette série inédite d’une vingtaine d’extraits de plusieurs ouvrages sur l’origine du christianisme et ses rapports avec les anciennes religions de l’Inde, bref une comparaison de la Bible avec les anciens textes sanscrits. C’était l’oeuvre de Louis Jacolliot (1837 – 1890), magistrat français aux Indes au temps de la colonisation.

Si aujourd’hui on met sur le dos des musulmans toutes les atrocités véhiculées par les images télévisuelles, on les stigmatise (les actualités abondent en anecdotes faisant des Arabes des accusés, des coupables parce qu’Arabes !), et par ailleurs on fait tout pour que le clash de civilisations (entre le monde judéo-chrétien et la « barbarie musulmane ») ait lieu, l’Occident dominateur et triomphaliste se rappelle-t-il de temps en temps qu’il n’a, dans son histoire, pas produit de prophète de même dimension que celle de cet Arabe né en Palestine ? Et pourtant cet Occident, à l’initiative de Rome, n’a pas hésité à récupérer la sagesse répandue par cet Arabe nommé Jésus pour en faire une religion qui se veut universaliste. À tel point que l’identité de l’Occident dont certains se réclament aujourd’hui a été forgée par les idées de ce natif palestinien ensuite déformées par l’Église romaine avant de se répandre dans le monde entier. Que l’Occident se retourne contre les descendants des frères de son prophète a quelque chose de malsain. D’un autre côté, on cite toujours le monothéisme parmi les inventions qui font la fierté de l’Occident. Et pour que personne n’oublie cette idée géniale, le grand Attali Jacques a rappelé que c’est le peuple juif, si inventif et si généreux, qui a inventé le monothéisme et a légué la Bible à l’humanité. Si quelqu’un comme Attali a dit une telle chose ça ne peut être que vrai. Il a une immense culture, il connaît tout le monde, tous ceux qui comptent, les mauvaises langues chuchotent qu’il fait partie des maîtres du monde… Il a écrit plein de livres, tout seul, sans jamais plagier personne comme le font des ignorants profiteurs en costume trois-pièces ou comme d’autres qui font écrire leur gloire par des nègres. En tout cas c’est lui qui a béni la candidature de François Hollande aux primaires du PS avant les dernières élections présidentielles en disant que « c’est le meilleur d’entre nous… ». On en connaît les résultats, mais le grand Attali a peut-être d’autres raisons de bénir François qu’il ne convient pas de dire à la plèbe.

Nous laissons ces divagations à ceux qui y croient, quant à nous, nous apportons modestement une pièce pour verser dans ce « débat » sur l’invention du monothéisme. Ouvrons ici une parenthèse. Depuis la découverte de la civilisation sumérienne au milieu du XXè siècle [1], les esprits logiques et impartiaux pensaient que c’en serait fini pour la Bible qui n’est, sans parler des contre-sens, qu’une compilation maladroite et désarticulée des récits de la littérature sumérienne puis akkadienne et babylonienne par la suite, qu’elle a été composée à des époques différentes par des compilateurs différents pour le besoin de la cause, celle des Hébreux ; en tout cas elle n’est pas un livre d’histoire et ne doit pas être prise comme telle. Les historiens israéliens de la nouvelle école cherchent en vain dans les archives égyptiennes, des fouilles archéologiques, etc. , les traces des lieux ou d’événements rapportés dans la Bible [2]. Le mythe de Noé survivant du déluge inventé par le peuple inventif juif fut un plagiat, dirons-nous aujourd’hui, du récit sumérien [sur le dernier déluge], sans parler des bribes de mémoires inscrites puis transmises dans les mythologies de bien des peuples dans le monde entier. Ce thème sur le rapport de la Bible avec la civilisation sumérienne a passionné plus d’un qui s’intéresse aux civilisations humaines, et il a révolté le polémiste et analyste financier, Pierre Jovanovic à tel point qu’il en a tiré un ouvrage intitulé Le mensonge universel publié au Jardins des Livres en 2011. En dépit de toutes ces données nouvelles, l’obscurantisme règne encore en maître dans bien des esprits, et c’est pratique, car si la plèbe est lucide, raisonnable, intelligente, on ne pourra plus la mener en bateau pour l’éloigner des affaires du monde qui la concerne. Rappelons en passant que plusieurs siècles avant la naissance du Christ, Pythagore entre autres sages grecs enseignait la rotondité de la Terre et le système héliocentrique, ce qui se trouve dans les textes anciens de l’Inde. Plus cocasse encore : le principe d’Archimède a été antérieur à l’homme qui a proclamé le célèbre « Eureka », il s’agit là encore d’un emprunt à la science indienne des brahmanes. Nous mentionnons un dernier fait : environ 10.000 ans avant J.C., on trouve déjà inscrite l’idée suivante dans un ouvrage ancien de l’Inde : « Le premier germe de vie fut développé par l’eau et la chaleur. » Est-ce que la Bible, si géniale pour certains, et nettement postérieure de plusieurs milliers d’années peut en dire autant ? Par contre, un millier et demi d’années après Pythagore, ceux pour qui la Bible constitue l’alpha et l’oméga, sont encore capables d’envoyer au bûcher celui qui démontre que la Terre est ronde et qu’elle tourne autour du Soleil, et non le contraire comme les dogmes de l’Église stipulent. Fermons cette parenthèse.


Sans épuiser nos ressources, nous versons au débat, pour ceux qui veulent encore débattre afin de gagner selon le principe « œil pour œil, dent pour dent » (et la plèbe complète : « on rend le monde aveugle ».), une petite pièce extraite d’une traduction d’un texte ancien de l’Inde, inconnu de l’Occident avant cette date, et dont le traducteur était Louis Jacolliot, l’un des érudits de l’Occident qui connaissait le mieux l’histoire et la civilisation indienne, nettement plus intéressant que son contemporain orientaliste Max Müller. Cette traduction se trouve dans l’ouvrage de Jacolliot Christna et le Christ, publié à Paris en 1874. Et c’est encore Jacolliot qui affirme, après avoir étudié les textes anciens de l’Inde que : « La mythologie de Manou, sous une forme moins mystique [que les Véda], va bientôt nous donner le moyen de montrer une fois de plus l’évidence de cette vérité, que l’Inde est l’Alma Parens de toutes les nations de l’antiquité« .

L’Inde des Dévas et de Manou a-t-elle été monothéiste ?

Les premiers habitants de l’Inde ont-ils été monothéistes ? Ont-ils rattaché à une unité toute-puissante et intelligente l’ensemble des forces qu’ils voyaient agir autour d’eux, et le polythéisme n’est-il qu’une dégénérescence de l’idée première? Ou bien ne sont-ils arrivés à la conception de l’Être suprême qu’en passant par le fétichisme et le polythéisme? Telle est la question qui s’agite entre les spiritualistes et les positivistes, et que nous allons examiner sans avoir la prétention de clore le débat.
La lutte n’est pas circonscrite à l’Inde seulement, et ce n’est point à l’occasion d’un fait isolé que les deux systèmes se heurtent sans pouvoir s’entendre. Il y a là un principe que chacune des deux philosophies établit à sa manière, et que ni l’une ni l’autre ne pourrait abandonner, sans porter une grave atteinte à sa propre existence.
Dès la première minute de son apparition sur la terre, disent les spiritualistes, l’homme a eu par la conscience la notion de l’Être suprême, et ce n’est que plus tard, sous l’influence des castes sacerdotales, que le polythéisme a fait son entrée dans le monde. L’homme primitif, répondent les positivistes, a débuté par le fétichisme et le polythéisme, et ce n’est qu’en perfectionnant son intelligence, et dans un état déjà avancé de civilisation, qu’il est arrivé à la conception d’une cause première unique, c’est-à-dire au monothéisme.
Sans nous mettre à la remorque de l’une ou de l’autre de ces écoles, et en ne formulant pas de règle générale applicable à tous les peuples, nous dirons, et sur ce point les preuves abondent, que l’Inde des védas et de Manou a été monothéiste. Il suffit pour s’en convaincre de lire les passages suivants du Manava-Dharma-Sastra.

Livre I », sloca 5 et suivants.

« Ce monde était plongé dans l’obscurité, imperceptible, dépourvu de tout attribut distinctif; ne pouvant ni être découvert par le raisonnement, ni être révélé, il semblait entièrement livré au sommeil.
« Quand la durée de la dissolution fut à son terme, alors le Seigneur, existant par lui-même, et qui n’est pas à la portée des sens externes, rendant perceptible ce monde avec les cinq éléments et les autres principes resplendissant de l’éclat le plus pur, parut et dissipa l’obscurité.
« Celui que l’esprit seul peut percevoir, qui échappe aux organes des sens, qui est sans portées visibles, éternel, l’âme de tous les êtres, que nul ne peut comprendre, déploya sa propre splendeur.
« Ayant résolu dans sa pensée de faire émaner de sa substance les diverses créatures, il produisit d’abord les eaux dans lesquelles il déposa un germe.
« Ce germe devint un oeuf brillant comme l’or, aussi éclatant que l’astre aux mille rayons, et duquel l’Être suprême fit surgir Brahma, l’aieul de tous les êtres.
« Les eaux ont été appelées naras, parce qu’elles étaient la production de Dieu (l’esprit divin). Ces eaux ayant été le premier lieu de mouvement de nara, il a en conséquence été déjà nommé nara-ayana (mouvement), c’est-à-dire Narayana, celui qui se meut sur les eaux. »
(C’est ce que Moïse a copié plus tard, quand il a dit que l’esprit de Dieu était flottant sur les eaux. Et spiritus Dei ferebatur super aquas.)
Les textes suivants, empruntés au deuxième livre du même auteur, sont d’une clarté et d’une précision à défier tout commentaire.

Sloca 129 et suivants

« Mais il doit (l’homme) se représenter le grand Être (Para-Pouroucha) comme le souverain maître de l’univers, comme plus subtil qu’un atome, comme aussi brillant que l’or le plus pur, et comme ne pouvant être conçu par l’esprit que dans le sommeil de la contemplation la plus abstraite.
« C’est ce Dieu qui, enveloppant tous les êtres d’un corps formé des cinq éléments, les fait passer successivement de la naissance à l’accroissement, de l’accroissement à la dissolution, par un mouvement semblable à celui d’une roue.
« Ainsi l’homme qui reconnaît, dans sa propre âme, l’âme suprême présente dans toutes les créatures, comprend qu’il doit se montrer bon et égal pour tous, et il obtient le sort le plus heureux, celui d’être absorbé à la fin dans le sein de Brahma. »
Collouca, un des commentateurs des védas et de Manou les plus estimés dans l’Inde, sur la question même qui nous occupe, s’exprime ainsi :
(« Les anciens pundits (initiés), tout en divinisant les forces multiples de la nature, n’ont jamais cru qu’à un Dieu, auteur et principe de toutes choses, éternel, immatériel, présent partout, indépendant, infiniment heureux, exempt de peines et de soucis; la vérité pure, la source de toute justice; celui qui gouverne tout, qui dispose de tout, qui règle tout; infiniment éclairé, parfaitement sage, sans forme, sans figure, sans étendue, sans nature, sans nom, sans caste, sans parenté; d’une pureté qui exclut toute passion, toute inclination, toute composition… »

D’après un texte qui nous a été conservé par Vrihaspati, le brahmatma, chef religieux de tous les brahmes, en recevant l’initié du second degré, c’est-à-dire l’officiant qui, par la nature de ses fonctions, était constamment en rapport avec la foule, prononçait les paroles suivantes :

« Souviens-toi, mon fils, qu’il n’y a qu’un seul Dieu, maître souverain et principe de toutes choses, et que tout brahme doit l’adorer en secret. Mais sache aussi que c’est un mystère qui ne doit jamais être révélé au stupide vulgaire [3]. Si tu le faisais, il t’arriverait de grands malheurs

Le Védanta-Sara, ouvrage de la plus haute antiquité, en traçant le portrait du vrai gourou, – brahmatma dwidjaha, c’est-à dire deux fois né, indique d’une manière formelle que les sages de cette époque reculée ne connaissaient et n’adoraient qu’un seul Dieu.
Voici ce portrait :

« Le vrai gourou est un homme à qui la pratique de toutes les vertus est familière; qui, avec le glaive de la sagesse, a élagué toutes les branches et arraché toutes les racines du péché, et a dissipé, avec les lumières de la raison, l’ombre épaisse dont il s’enveloppe; qui, quoique assis sur la montagne des péchés, oppose à leur atteinte un coeur aussi dur que le diamant; qui se conduit avec dignité et indépendance; qui a des entrailles de père pour tous ses disciples ; qui ne fait aucune acception de ses amis et de ses ennemis et a pour les uns et les autres une bienveillance égale ; qui voit l’or et les pierreries avec autant d’indifférence que des morceaux de fer et des tessons, sans faire plus de cas des uns que des autres; qui met tous ses soins à écarter les ténèbres de l’ignorance dans les quelles le reste des hommes est plongé.
« C’est un homme qui se livre à toutes les pratiques de dévotion qui ont Dieu pour objet, sans en omettre aucune ; qui ne reconnaît qu’un seul Dieu (souligné par nous) et publie partout ses louanges; qui ne lit et n’étudie que les livres sacrés; qui, par son savoir, brille comme le soleil au milieu des nuages épais de l’ignorance qui l’environnent; qui repousse loin de sa pensée tout acte criminel et ne pratique que des actes de vertu; qui, connaissant toutes les voies qui mènent au péché, connaît aussi les moyens de les éviter toutes ; qui observe avec une scrupuleuse exactitude les règles de bienséance qu’on doit garder envers ses semblables.
« C’est un vrai sage qui possède parfaitement le Védanta.
« C’est un homme qui a fait des pèlerinages à tous les lieux saints et qui a vu de ses propres yeux Cassy, Kedaram, Ramessuaram, Strirudram, Sringuery, Gocarnam, Calastry et autres lieux célèbres.
« C’est un homme qui a fait ses ablutions dans tous les fleuves sacrés, tels que le Gange, le Yumna, le Sarasvaty, le Sindou, le Godavery, le Krichna, le Nerbouda, le Cavery et une foule d’autres, et qui a bu de leurs eaux sanctifiantes.
« C’est un homme qui s’est lavé dans toutes les sources et étangs sacrés, tels que le Souria- Pouchkarany, Tchendra-Pouchkarany , Indra-Pouchkarany , et dans toutes les eaux saintes qu’il a pu rencontrer.
« C’est un homme qui a habité tous les déserts et les bois sacrés, tels que Neimiss-Arania. Badaric-Arania, Daudac-Arania, Goch-Arania, et qui y a imprimé les vestiges de ses pieds.
« C’est un homme qui connaît toutes les pratiques de pénitence ou sramas recommandées par les plus illustres dévots et connues sous le nom de narayana-srama, vamana-srama, gotama-srama et vachischta-srama; qui est devenu familier avec ces divers exercices et qui en a éprouvé les fruits.
« C’est un homme qui possède parfaitement les quatre védas, et le tacara-sastra, le buda-sastra, le mimansa-sastra (logique, psychologie, philosophie).
« C’est un homme versé dans la connaissance du védanga, du djotchia-sastra, du veiddâa-sastra, du darmha-sastra, du kavia-nattacam (astronomie, médecine, législation, poésie), et qui sait parfaitement les dix-huit pouranas et les soixante-quatre calais.
« Tel est le caractère d’un vrai gourou, telles sont les qualités qu’il doit posséder pour être en état de montrer aux autres la voie de la vertu et pour les retirer du bourbier du vice.

(Védanta-Sara. Introduction.)

couple

On voit que les pèlerinages aux lieux consacrés et les sources miraculeuses ne datent pas d’hier, et que, à cinq ou six mille ans de distance, les superstitions sont les mêmes, à la Salette ou à Kautchy, Lourdes ou à Ramessuaram.
Retenons de ce passage du Védanta, que le vrai sage ne devait connaître qu’un seul Dieu et n’avoir d’autre préoccupation que celle que donnent l’étude et le culte de la vertu.
La prière suivante, que le Védanta ordonne aux brahmes de prononcer une heure avant le lever du soleil, est du plus pur monothéisme :
« Dieu, qui êtes un pur Esprit, le principe de toutes choses, le maître du monde, c’est par vos ordres que je me lève et que je vais m’engager dans les embarras du monde. »
Le brahme s’adresse ensuite à l’eau lustrale qui va lui servir à accomplir la purification du matin :
« Eau sacrée, qui proviens de la mer des fleuves, des étangs, des puits ou de quelque autre lieu que ce soit, tu es sainte, car tu as reçu les prières qui consacrent; de même que le voyageur fatigué par la chaleur trouve du soulagement à l’ombre d’un arbre, de même puissé-je trouver en toi le soulagement de mes souffrances et le pardon de mes péchés.
« Eau sacrée, tu es l’eau du sacrifice et du combat, tu es d’un goût agréable, tu as pour nous les entrailles et les sentiments d’une mère; je t’invoque avec la même confiance que celle d’un enfant qui, à la vue de quelque danger, va se jeter entre les bras d’une mère qui le chérit tendrement; purifiez moi de mes péchés et purifiez tous les hommes avec moi!
« Eau sacrée, dans le temps du sommeil (chaos) de la nature, Brahma, la sagesse suprême dont le nom s’écrit avec une seule lettre, existait seul, et c’est dans ton sein qu’il se reposait, quand il fit jaillir de sa pensée le germe de toutes choses et qu’il créa la nuit et le jour, la mer immense, le soleil, la lune, la terre, le ciel, l’air, les mondes inférieurs, et le temps et tout ce qui existe maintenant. Ô Dieu! je vous offre mes adorations ; détruisez mes péchés et faites que je conserve toujours la dignité de brahme.
« Je t’ai adressé ma prière pour obtenir la rémission de mes péchés. Pardonne-les-moi, et fais qu’après ma mort j’aille jouir des délices du Veikouta. C’est toi qui as créé, qui conserves et qui détruis tout. Fais que je sois heureux en ce monde, que la joie, l’abondance et la prospérité m’abcompagnent partout, et qu’après ma mort je jouisse d’un sort plus heureux et plus durable.
« Tu es un pur Esprit, tu es la lumière par excellence, tu n’es pas sujet aux passions des créatures mortelles, tu es éternel, tu es tout-puissant, tu es la vertu même, tu es le refuge des hommes et leur salut, tu possèdes toutes les sciences, c’est de toi qu’est émanée la sainte Écriture, tu es la figure de la prière, c’est à toi qu’on doit adresser tous les sacrifices, toi qui disposes de tous les biens terrestres, toi qui peux tout détruire en un instant. Le bonheur et le malheur, la joie et la douleur, l’espérance et la crainte, tout est entre tes mains, tout dépend de toi; tu es l’objet de tous les voeux des hommes, et tu es en même temps le prestige qui leur fascine la vue; Tu remplis leurs désirs, tu les combles de biens, tu fais réussir toutes leurs entreprises, tu les purifies de leurs péchés, tu les rends heureux, tu es présent dans les trois mondes, tu as trois natures, trois figures, et le nombre trois fait ton essence. »
Cette prière, célèbre chez les christnéents, est le gaïatry vischnouviste.
Si nous voulions donner tous les extraits des védas, de Manou, des védantas et autres livres religieux, qui démontrent que les Indous de l’époque patriarcale et védique ont été monothéistes, ce volume ne suffirait pas à la tâche; aussi bien la vérité de cette proposition ressort tellement des premières études orientales que nous avons publiées, que nous n’en eussions pas fait l’objet d’un chapitre spécial, si, dans cette revue des principaux mythes que l’Inde a transmis aux différents peuples du globe, nous n’eussions jugé qu’il était utile de rappeler que l’Inde ancienne était historiquement partie du monothéisme pour arriver au polythéisme, et que les grossièretés mythologiques du brahmanisme ne devaient être considérées que comme une oeuvre sacerdotale de servitude et d’abrutissement.

« Souviens-toi? dit le brahmatma à l’initié, qu’il n’y a qu’un seul Dieu (souligné par nous), mais souviens-toi aussi que ce mystère ne doit pas être révélé au stupide Vulgaire ! »

Toute l’histoire de l’Inde est dominée par le prêtre, et c’est dans l’influence délétère de ce dernier qu’il faut voir les causes qui ont frappé de stérilité, depuis plusieurs milliers d’années, une des plus merveilleuses contrées du globe. On ne peut dominer les peuples sans les plonger dans l’ignorance, et la première chose que l’on soustrait à la connaissance des masses, c’est l’idée rationnelle, pure, dégagée de toute superstition, de la grande cause première, de I’Être suprême.
L’Inde a passé par trois époques que nous avons définies et étudiées dans les Fils de Dieu, et qui sont :
I° L’époque de l’unité de Dieu et des patriarches;
2° L’époque de la trinité et des prêtres brahmes;
3° L’époque du polythéisme et de l’alliance des prêtres et des rois.
Sans revenir aux explications que nous avons déjà données à ce sujet, nous constatons qu’il est indéniable que le polythéisme actuel de l’Inde ait été précédé par des croyances unitaires plus pures, qui ne furent soustraites à la plèbe que lors de l’établissement des castes. Lorsque les brahmes eurent assis solidement leur domination, ils défendirent sous peine de mort de prononcer le nom de Swayambhouva, l’être existant par lui-même, d’enseigner le mystère de la trimourty, de dévoiler les secrets du culte symbolique du soleil et du feu qui représentaient Paramatma, la Grande Âme, et c’est seulement les initiés du second et du troisième degré qui avaient le droit d’adresser à l’astre du feu et de la lumière la célèbre invocation suivante :
« Dieu soleil, vous êtes celui qui est par sa propre force.
Vous êtes Brahma à votre lever, Vischnou à midi et Siva à votre coucher. Roi du jour, vous brillez dans l’air comme une pierre précieuse. Vous êtes l’image de la trimourty, le témoin de toutes les actions qui se font sur la terre; vous étes l’oeil du monde, la mesure du temps; c’est vous qui réglez le jour et la nuit, les semaines, les mois, les années, les cycles, les calpas, les yougas, les saisons, les ayanas, le temps des ablutions et de la prière; vous êtes le seigneur des neuf planètes, vous abolissez les péchés de ceux qui vous invoquent et qui vous offrent des sacrifices. Vous dissipez les ténèbres partout où vous vous montrez. Dans l’espace de soixante gadhias vous parcourez sur votre char la grande montagne du Nord qui a quatre vingt—dix millions cinq cent dix mille yodjanas d’étendue. Je vous loue et je vous adore de tout mon pouvoir; daignez me faire éprouver les effets de votre bonté et de votre miséricorde, en m’accordant le pardon de tous mes péchés, et le séjour de la félicité suprême après ma mort. »
(Védanta-Sara.)

Il en était de même pour l’invocation du feu. […]

Extraits de : Louis Jacolliot, Christna et le Christ, A. Lacroix et Cie, Éditeurs, Paris, 1874, pp. 31-40.

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Notes :
[1]. Voir les travaux de Samuel Noah Kramer en particulier.
[2]. Voir :

  • Schlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé. De la Bible au sionisme. Traduit de l’hébreu par Sivan Cohen-Wiesenfeld et Levana Frenk, Fayard, 2008 ;
  • Israël Finkelstein & Neil Asher Silberman, La Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l’archéologie, Traduit de l’anglais (États-Unis) par Patrice Ghirardi, Bayard, 2002.

[3]. L’auteur, Louis Jacolliot nous rappelle, dans d’autres passages, que le Christianisme n’a pas fait mieux sur ce plan : « Avec un rare cynisme, l’évêque catholique Synésius trace du peuple et du prêtre le portrait suivant qu’on ne saurait trop méditer et vulgariser :
« Le peuple, dit-il (in Calvit., p. 515), veut absolument qu’on le trompe, on ne peut en agir autrement avec lui… Les anciens prêtres de l’Égypte en ont toujours usé ainsi; c’est pour cela qu’ils se renfermaient dans leurs temples et y composaient à son insu leurs mystères. Si le peuple eût été du secret, il se serait fâché qu’on le trompât; cependant comment faire autrement avec le peuple, puisqu’il est peuple? Pour moi, je serai toujours philosophe avec moi, mais je serai prêtre avec le peuple. »
Et ces deux Pères de l’Église, s’épanchant dans le sein l’un de l’autre!
« Il ne faut que du babil pour en imposer au peuple, écrivait saint Grégoire de Nazianze à saint Jérôme, moins il comprend et plus il admire. Nos Pères et Docteurs ont souvent dit, non ce qu’ils pensaient, mais ce que leur faisaient dire les circonstances et le besoin. »

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Illustration :
Couple figurant sur la façade d’un temple creusé dans le roc à Karle. IIe sicle après JC, in Le Veda. Textes réunis, traduits et présentés sous la direction de Jean Varenne, Ed. Les Deux Océans, Paris, 1967, 451 p.

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Une réflexion au sujet de « À propos du monothéisme »

  1. bagan

    On va de surprise en colère avec l’histoire du monothéisme.
    Merci Danco pour cette recherche de documents de vérité,
    on n’a pas fini de découvrir comment on berne et exploite la naïveté des populations de partout !

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