1789, l’œuvre du peuple ? suite

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« Il y a deux histoires, l’histoire officielle, menteuse, puis l’histoire secrète, où se trouvent les véritables causes des événements. » Honoré de Balzac (1799-1850), homme de lettres français.

Témoins Oculaires

Dans toute la France à la fois, des observateurs clairvoyants ont discerné, au début de 1789, les menées des hommes de loi :
« Depuis deux mois, écrit au Premier Ministre Necker le marquis de Fodoas, commandant militaire de l’Armagnac, les juges inférieurs, les avocats dont toutes les villes et campagnes fourmillent, en vue de se faire élire aux États-Généraux, se sont mis après les gens du Tiers-État, sous prétexte de les soutenir et d’aider leur ignorance. Ils se sont efforcés de leur persuader qu’aux États-Généraux ils seraient les maîtres à eux seuls de régler toutes les affaires du Royaume, que le Tiers en choisissant ses députés parmi les gens de robe, aurait le droit et la force de primer, d’abolir la Noblesse, de détruire tous ses droits et privilèges, qu’elle ne serait plus, héréditaire… ; que si le peuple les députait, ils feraient accorder au Tiers-État tout ce qu’il voudrait, parce que les curés, gens du Tiers, étant convenus de se détacher du Haut Clergé, et de s’unir à eux, la Noblesse et le Clergé unis ensemble ne feraient qu’une voix contre deux du Tiers…

Si le Tiers avait choisi de sages bourgeois ou négociants, ils se seraient unis sans difficultés aux deux autres ordres. Mais les assemblées de bailliages et de sénéchaussées ont été farcies de gens de robe qui absorbaient les opinions et voulaient primer sur tout le monde… » (Lettre du Marquis de Fodoas, à Necker, 29 mai 1789 ; citée par Taine, L’Ancien Régime, pp. 518, 519.)
Les derniers mots de Fodoas, que nous soulignons, ne sont-ils pas répercutés comme un écho dans le discours du F*** Amiable… « l’influence de nos FF*** fût prépondérante dans les assemblées primaires et secondaires du Tiers-État… » ?
Après l’Auvergne voici la Touraine et le Bordelais :
« En Touraine, écrit l’intendant, l’avis de la plupart des votants a été commandé ou mendié. Les affidés mettaient, au moment du scrutin, des billets tout écrits dans la main des votants, et leur avaient fait trouver, à leur arrivée aux auberges, tous les écrits et avis propres à exalter leurs têtes et à déterminer leur choix pour des gens du Palais » (sous-entendu : de Justice), (Lettre de l’intendant de Tours, 25 mars 1789.)
« Dans la Sénéchaussée de Lectoure, une quantité de paroisses et de communautés n’ont point été assignées ni averties, pour envoyer leurs cahiers et leurs députés à l’assemblée de la sénéchaussée. Pour celles qui ont été averties, les avocats, procureurs et notaires des petites villes voisines ont fait les doléances de leur chef, sans assembler la communauté… Sur un seul brouillon ils faisaient pour toutes des copies pareilles qu’ils vendaient bien cher aux conseils de chaque paroisse de campagne. » (Lettre de Lectoure ; citée par Taine, L’Ancien Régime., p. 519.)
Les Francs-Maçons n’ont pas changé, depuis un siècle, comme manieurs de pâte électorale : quand on lit les lettres écrites à Lectoure et à Tours en 1789, ne jurerait-on pas qu’on assiste aux maquignonnages électoraux modernes ?
Tout cela serait risible si la pensée ne s’attachait aussitôt à l’immense et effrayant enjeu du bonneteau grotesque où, dans toute la France de 1789 en même temps, les FF*** hommes de loi « filaient la carte » au nez du paysan : l’enjeu, c’était des châteaux par centaines, des terres, des forêts, des biens d’Église à voler ! L’enjeu, c’était des milliers d’êtres humains à « raccourcir » à coups de guillotine en l’honneur de la Sainte Égalité maçonnique ! L’enjeu, c’était le sang de Louis XVI et de Marie-Antoinette que les mêmes Francs-Maçons vont essayer de répandre à Versailles, le 5 octobre 1789, pour obéir au Pouvoir Occulte antichrétien et antifrançais dont ils sont les esclaves souvent inconscients…

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Les Plans et Moyens

Si on lit avec des verres antimaçonniques, pour ainsi dire, l’étude de MM. Cochin et Charpentier, on y découvre à chaque page le complot des Loges et cela avec une évidence telle que nos lecteurs nous reprocheraient de perdre leur temps et le nôtre à commenter cet ouvrage dont la clarté est si lumineuse par elle-même. Le meilleur éloge que nous en puissions faire, c’est qu’il cadre merveilleusement avec les détails de fonctionnement du complot maçonnique en 1789, tel que le F*** Amiable l’a dépeint avec fierté, au Congrès maçonnique du Centenaire de la Révolution.
Reprenons la page de MM. Cochin et Charpentier citée plus haut :
« Il y avait un complot. Comment et par qui fut-il formé ? Nous allons essayer de nous en faire une idée en suivant pas à pas les progrès de la Révolution à Dijon et en Bourgogne, pendant les six mois qui ont précédé les Etats-Généraux. (La Camp. élect…, p. 7,). Nous voyons apparaître tout d’abord le rôle instrumentaire de certains personnages qui, loin de mener le branle, furent perfidement menés par le Pouvoir Occulte jusqu’à leur propre perte : les magistrats des Parlements que l’astuce maçonnique avait entraînés en grand nombre dans les Loges.
Quand le Roi eût consenti, fin 1788, à la réunion des États-Généraux,  les membres du Parlement de Paris, exilés depuis cinq mois, rentrèrent triomphalement au Palais. Leurs désirs n’allaient pas plus loin ; là aussi finit leur rôle. Il parut alors que ces fiers magistrats n’étaient rien par eux-mêmes et qu’ils servaient sans le savoir d’instruments à des visées plus hardies que les leurs. En effet, ces prétendus meneurs désarmés, leurs troupes continuaient la bataille avec le même ensemble et la même furie. On avait obtenu les États-Généraux ; il s’agissait maintenant d’y faire la loi, et la tempête des pamphlets anonymes se remet à souffler de plus belle.
L’élection au scrutin, le doublement du Tiers, le vote par tête, telles sont les nouvelles demandes du Tiers (lisons : la Franc-maçonnerie). On le voit, la Révolution levait le masque ; le Parlement assagi tout à coup (lui, plein de FF*** de l’ancienne équipe, de l’ancien bateau !) frémit d’indignation : les exigences du Tiers allaient à… ruiner l’équilibre de l’État, à ébranler les colonnes de la Monarchie…
Le Roi, sur l’avis de Necker, demanda leur avis aux Notables. Consulter les Notables, c’était reconnaître l’insuffisance des anciennes formes et, chose plus grave, le droit de la Nation à les changer. Ce principe admis, le parti révolutionnaire se chargeait d’en tirer les conséquences.
On vit alors un étrange spectacle : à la fin de novembre 1788, des bruits inquiétants circulèrent sur la décision des Notables qui auraient voté contre le doublement du Tiers aux États-Généraux. Aussitôt, dans des centaines de villes et de bourgs, le Tiers s’assemble ; et de tous les coins du Royaume arrivent à Versailles des centaines de requêtes conçues dans les mêmes termes et demandant les mêmes choses : élection au scrutin, doublement, vote par tête.
C’est le premier épisode d’une campagne qui ne laissera plus un jour de répit au gouvernement, jusqu’au triomphe du Tiers, à la prise de la Bastille (la grande victoire maçonnique !)
Vers ce temps, dans la ville de Dijon, un groupe d’une vingtaine de personnes se fait remarquer par son grand souci des intérêts du Tiers-État. Ce groupe est pourtant très discret…
Il n’a pas de nom, pas d’état connu, ne nous fait jamais part de ses réunions ni de ses projets, ne se met jamais en avant et ne risque jamais une démarche publique sans se couvrir de l’autorité d’un corps constitué. Mais comme il est très actif, que rien en fait ne se passe sans lui, que toutes les idées viennent de lui, et qu’il se trouve, on ne sait comment, toujours chargé de les mener à bien ; comme il correspond, enfin, avec beaucoup d’autres groupes de même espèce dans les villes de la province, nous pouvons suivre sa trace sans trop de peine. » (Cochin et Charpentier, La Camp. élect..., pp.. 7, 8, 9.)
Les quelques mots soulignés que nous avons ajoutés entre parenthèses à ce texte marquent les étapes du complot maçonnique abrité derrière les FF*** des Parlements – complices inconscients avant d’être victimes – et servi dans les villes de province par ce que le F*** Jouaust appelle « la fleur du Tiers-État ». Comme les groupes qui dirigèrent la Révolution en Bretagne sous l’impulsion des Loges, le groupe de Dijon « se compose de médecins, de chirurgiens, d’hommes de loi surtout, avocats, procureurs, notaires, tous petits bourgeois obscurs, dont plusieurs se firent nommer députés du Tiers aux Etats, mais dont aucun ne laissa un nom... »
Comme tous les groupes semblables, c’est dans les premiers jours de décembre 1788 que celui-ci commence sa campagne.
Il s’agit de faire proposer aux corporations par le maire, puis envoyer au Roi au nom du Tiers-État de la ville, la requête dont nous avons parlé. Or, la première condition pour se faire entendre de l’autorité et de l’opinion était de parler au nom d’un corps constitué ; les particuliers ne sont rien alors ; les corps seuls sont écoutés.
Les avocats de la cabale font donc réunir leur ordre par le bâtonnier le 3 décembre. L’un des meneurs, Volfius, prend la parole : « un grand procès, dit-il, est engagé entre le Tiers et les privilégiés ; toutes les provinces y prennent part ; l’ordre des avocats de Dijon ne peut rester indifférent… Il faut agir, imiter Metz et le Dauphiné, soulever et diriger l’opinion. » (Cochin et Charpentier, La Camp. élect..., pp. 9, 10.)
Quand la Maçonnerie, quelques mois plus tard, sera devenue maitresse du pays, son premier soin sera de détruire les corporations qui formaient l’ossature de la France : pour que sa tyrannie pût durer, il était nécessaire en effet qu’il ne subsistât plus aucun organisme vivant en face de l’organisme maçonnique – cet horrible cancer qui va prétendre jouer dans le corps de la nation française le rôle de tous les organes vitaux criminellement extirpés ! Mais, avant de tuer les corporations et précisément pour préparer leur mort, la Maçonnerie les a trompées – partout en France comme en Bourgogne – ainsi que c’est sa fonction de tromper, en attendant qu’elle vole et qu’elle assassine.
Le plan du conjuré Volfius est mis à exécution par le comité des avocats dijonnais : on élabore en même temps un projet de requête au Roi et un résumé des démarches à faire pour obtenir l’adhésion de la province.
Revenant une fois de plus sur l’universalité du complot, MM. Cochin et Charpentier écrivent : « La requête est semblable pour la forme et pour le fond à celles qui se rédigeaient de la même manière dans toutes les villes du Royaume. » (La Camp. élect…, p. 11).
Quand on réfléchit à l’existence de près de 700 Loges en France à cette époque, et quand on se souvient de la remarque du F*** Jouaust sur le soulèvement de toutes les villes de Bretagne à la fois expliqué fort bien, dit-il, par les étroites relations des nombreuses Loges bretonnes, il est impossible de ne pas voir dans le groupe sans nom des bourgeois dijonnais le syndicat d’action révolutionnaire des Maçons de Bourgogne.
Ce syndicat d’action révolutionnaire des Maçons de Bourgogne ressemble d’ailleurs comme un frère au syndicat d’action révolutionnaire formé à Rennes par les Loges de Bretagne, avec trente Maçons au moins sur cinquante membres, écrit le F*** Jouaust.
L’hypocrisie maçonnique suinte à travers les lignes de la Requête au Roi rédigée par le comité dijonnais : on y a dosé de la haine âpre mais savamment contenue contre la noblesse et le clergé ; une admiration débordante pour le Tiers ; une pitié déclamatoire pour les misères du peuple – dont le Tiers maçonnisé veut exploiter les douleurs.
« Et ces idées générales mènent comme partout à quatre demandes précises : le doublement du Tiers ; le vote par tête aux États-Généraux ; les mêmes réformes aux États de la Province ; et aux élections du Tiers, la défense de nommer un seigneur, ou même un fermier ou un agent d’un seigneur. » (La Camp…, p. 11.)
On touche ici du doigt, une fois de plus, la cynique impudence de la Maçonnerie. Dès 1789, la voilà qui coupe et rogne les droits du Suffrage populaire afin d’en fausser les votes à son profit. Cette interdiction aux gens du Tiers de voter pour le fermier d’un seigneur ne fait-elle pas un admirable pendant avec l’interdiction des candidatures multiples, de nos jours ? Et le plus fort, c’est qu’il ne fut jamais interdit – et pour cause – aux députés de la Noblesse acquis au Maçonnisme de passer au Tiers avec armes et bagages !… C’est ainsi qu’à son berceau même l’Égalité maçonnique s’affirme en créant de nouvelles inégalités…
Il faut voir, dans la passionnante brochure de MM. Cochin et Charpentier, quelle tartuferie éminemment maçonnique les conjurés dijonnais ont mise en oeuvre pour arriver à faire adopter leur plan et leur requête par toutes les corporations de la ville, successivement !
Avant de donner quelques exemples intéressants des tours malhonnêtes qui furent employés dans ce but, citons une profonde remarque de MM. Cochin et Charpentier :
« Les « plans » et « moyens » de ces avocats sont plus savamment combinés que simples et naturels. On ne se figure pas ainsi les premiers efforts d’un peuple exaspéré pour rompre ses chaines. Et pourtant ces mêmes « moyens » si compliqués furent employés, au même moment et dans le même but, sur les avis du comité de Dijon, par d’autres groupes semblables d’avocats et de médecins dans une quinzaine de villes de Bourgogne. » La Camp. élec…, p. 15.)
Si nos lecteurs veulent bien se reporter encore une fois à ce que nous avons cité du F*** Jouaust sur les menées maçonniques à Rennes en 1789, comme nous ils concluront que c’est en toute réalité la Maçonnerie qui, dans la France entière, a faussé à son profit les élections aux États-Généraux d’où est sortie la première République, comme elle fausse les élections sous la troisième République.

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« Comment on fabrique l’Opinion. »

Ce titre d’une éloquente brochure de Maurice Talmeyr est ici tout à fait à sa place.
Nous avons vu que les « plans » et « moyens » combinés en Bourgogne pour le truquage des Élections aux États-Généraux de 1789 avaient pour but de cacher l’action des meneurs derrière les Corporations, les Échevins, le Tiers-État.
Juste un siècle après, la Maçonnerie fit un nouvel effort d’ensemble pour assujettir la France sous sa domination et ce qui s’est accompli aux alentours de 1889 avec le voeu des FF*** Pochon et Cocula est identique à la poussée maçonnique pour l’insertion des soi-disant voeux du Tiers clans les Cahiers de 1789.
De 1888 à 1891, on s’en souvient, le voeu du F*** Pochon, député de l’Ain, a subi une longue incubation dans les Loges. Puis, cette vie cachée du voeu Pochon s’est bientôt épanouie dans un grand nombre de Conseils généraux qui l’adoptèrent simultanément. Ce voeu ouvrait le chemin au monopole de l’enseignement par l’État et demandait que les catholiques fussent réduits en une caste de parias inaptes aux fonctions publiques ; or ce voeu criminel sortait « du sein de la Maçonnerie même, du Convent et du Conseil de l’Ordre », a dit le F*** Blatin au Convent de 1891 [1].
C’est aussi « du sein de la Maçonnerie » qu’étaient sorties les revendications – toutes les mêmes d’un bout de la France à l’autre – qui se trouvèrent formulées et insérées dans les Cahiers de mille et mille communes. C’est dans le sein des 700 Loges de France qu’ont été couvés les Cahiers de 1789, conçus dans les mêmes termes aux quatre coins du pays : c’était autant de « Planches d’Architecture» tracées par les Frères*** suivant un modèle commun.
Dans son livre déjà cité : La Bigorre… pendant la Révolution, M. l’abbé Ricaud a étudié de près les 260 Cahiers que renferment les Archives du département des Hautes-Pyrénées. Il a montré que des formules générales avaient été dressées, et les paysans se bornaient à les transcrire…
Un très grand nombre de cahiers, au moins la moitié, proviennent de ces modèles ou types communs. Chaque partie, chaque coin de la Bigorre avait en général son type. (La Bigorre…. p. 17.)
Et M. Ricaud cite neuf communes de la vallée de Barèges qui ont un cahier semblable. Dix-huit communes sises dans les vallées qui rayonnent autour d’Argelès « ont copié littéralement ou se sont inspirées d’un type commun » [2].
J’ai cité, ajoute-t-il, onze communautés des environs de Tournay qui avaient déclaré, en mêmes termes, souffrir des mêmes maux.
Outre ces formules propres à telle région, les Cahiers révèlent la présence d’une formule générale que l’on trouve sur tous les points de la province. (La Bigorre..., p. 18.)
Cette formule-là, c’était la Planche d’Architecture mère, celle que les « Lumières » du Grand-Orient de France avaient adressée de Paris aux « Lumières » des Loges de Bigorre, comme aux «Lumières » des Loges de Dijon et de Rennes, où nous avons déjà vu opérer les Frères***.
Pour Dijon et la Bourgogne, MM. Cochin et Charpentier ont fourni les détails les plus précis sur les manigances toujours hypocrites et souvent révoltantes de malhonnêteté (maçonniques en un mot) qui en 1789 servirent à fabriquer l’opinion.
C’est – nous allons le voir – un abus de confiance qui donna l’hôtel de ville de Dijon à la bande maçonnique pour base de ses opérations en Bourgogne. Quoi de plus naturel quand on songe aux vols et aux pillages monstrueux qui remplissent les annales de la Révolution. Ce ne fut là qu’un commencement.
Une fois la Requête au Roi rédigée, la Maffia Maçonnique de Dijon décida : « de la faire approuver aux Echevins et au Vicomte Mayeur, de l’envoyer en leur nom au Roi, à M. Necker, à l’intendant, au gouverneur militaire, et d’autre part aux villes de la province et du royaume qui seront priées d’en faire une semblable et de la répandre de la même manière. »
Ces points établis, on entreprend les autres Corporations : plan et requête sont adoptés par les médecins et chirurgiens le 5 décembre ; par les procureurs au bailliage le 6 ; par les notaires le 8 ; le 9 par les procureurs au Parlement, les procureurs à la Chambre des Comptes, les tanneurs et les écrivains ; le 10 par les apothicaires, les horlogers, les épiciers, les perruquiers… On voit avec quelle tactique procédait le parti, dès les premiers pas : des naïfs auraient prié le Maire d’assembler le Corps de Ville, et de lui soumettre leur projet de requête.
Mais le Maire pouvait refuser ; de plus une assemblée nombreuse a des retours imprévus et se mène mal. Le comité des avocats préfère appeler les Corps un à un, à petit bruit, en commençant par ceux où il a le plus d’amis, les médecins et les gens de Palais : de cette manière, des minorités importantes, des majorités mêmes peuvent être surprises et éliminées discrètement, sans avoir eu le temps de se reconnaître ni de s’unir. Puis, le faisceau des adhésions grossissant, l’assurance augmente : on convoque des corporations moins voisines du Palais, et en plus grand nombre ; elles se trouvent en présence d’une requête toute prête et déjà votée par des corps influents ; quelques membres sont d’intelligence avec les avocats ; on pèse sur la décision des autres de tout le poids des adhésions obtenues ; et ils votent : c’est la tactique de la boule de neige.
Le 10 décembre, treize Corps avaient adhéré. C’était peu dans une ville qui en comptait plus de cinquante. Mais le Parlement prenait l’éveil… Les avocats jugèrent le moment venu d’aborder la deuxième partie de leur plan. Jusque-là, les assemblées des Corps sont censées individuelles et spontanées. Elles sont provoquées, sans doute, par les avocats, mais officieusement ; ils ne tiennent pas à se donner une importance illégale qui eût fait des jaloux et inquiété le pouvoir, en proposant eux-mêmes leur plan. Cette consultation du Corps de Ville, le Maire et les Echevins seuls peuvent la faire.
Or, à l’Hôtel-de-Ville, la cabale a pour elle Trullard, le Procureur Syndic, un de ses meneurs. Le Vicomte Mayeur, M. Mounier, est de coeur avec le Parlement mais il a peur des avocats et prend le parti de tomber malade. Quant aux Echevins, Trullard les réunit à l’Hôtelde-Ville le dimanche 11 décembre, et leur soumet un projet de requête insidieux, tout semblable à celui des avocats, à une différence près : l’article le plus important est omis, on ne dit mot du vote par tête. Les Echevins approuvent. Aussitôt les députés de l’ordre des avocats se présentent à la porte de la salle, suivis des délégués des treize corporations consultées les jours précédents et de sept autres, gagnées le matin même. Ils n’étaient pas convoqués et le Maire était absent ; on les admet pourtant, pêle-mêle avec une cinquantaine de citoyens zélés.
Trullard se lève et propose, au nom du Corps de Ville, la requête écourtée qu’il venait de faire signer aux Échevins. Arnoult, syndic des avocats, prend alors la parole au nom de cet ordre, déclare adhérer au projet des Echevins et, sous prétexte de le répéter, le complète en y remettant l’article du vote par tête. Le tour est joué. Les assistants acclament en tumulte. Le comité des avocats reçoit tous pouvoirs pour exécuter les décisions de l’assemblée et les Échevins n’osent rien dire.
Pas un article de la requête ni un membre du comité n’avait changé ; mais la requête ratifiée tant bien que mal par les Échevins et les Corporations était devenue « le vœu librement émis du Tiers de la Ville de Dijon », et le comité des avocats l’envoyait, sous ce titre imposant, aux autres villes de la province, en les invitant, de la part du Vicomte Mayeur (!) à suivre l’exemple de la capitale. (Cochin et Charpentier, La Camp. élect..., pp. 11 à 14.)
Le Vicomte Mayeur, hostile au « plan » des FF*** avocats, était alors atteint d’une maladie diplomatique. Mais qu’importait une forfaiture de plus aux faussaires des Loges !…
Tels furent le mensonge, l’abus de confiance, le faux (le tout bien maçonnique !) sur lesquels s’édifia la propagande électorale de la Maçonnerie en Bourgogne. D’ailleurs, comme l’ont dit et redit MM. Cochin et Charpentier, après Taine, il en fut de même dans la France entière. À travers toute la France également, les agissements des Maçons dans les assemblées électorales donnèrent le signal des désordres :
« Dans les quatre mois qui précèdent la prise de la Bastille, on peut compter plus de trois cents émeutes en France. » (Taine, La Révol., I, p. 13.)
En Normandie, en Touraine, en Orléanais, « dans toute l’étendue du royaume le spectacle est pareil », d’émeutes « à grand peine contenues par les troupes et la maréchaussée », ainsi que le baron de Besenval, commandant militaire des provinces du Centre, l’écrivait à Necker le 20 avril 1789.
En Provence aussi les nouveautés politiques sont l’étincelle qui met le feu à l’amas de poudre ; partout c’est le jour même de l’assemblée électorale que le peuple se soulève ; en moins de quinze jours, il y a dans la province 40 à 50 insurrections. (Taine, La Révol., I, p.23.)
L’heure est venue où, sous de mystérieuses suggestions, les Loges remplies jusque-là de dupes et de beaux parleurs vont ouvrir leur sein complaisant aux hommes de pillage et de meurtre… Après la salive, le sang.

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Les Prédictions du F*** Chamfort

Au début de mai 1789, peu de jours après l’affaire Réveillon, eut lieu entre deux membres de l’Académie Française, Marmontel et Chamfort, une conversation extraordinaire, écho direct de ce que tramaient les Arrière-Loges. La haine que Chamfort y exhale contre le Catholicisme et la Monarchie, c’est la haine maçonnique. Les plans qu’il y dévoile à Marmontel épouvanté, ce sont les plans maçonniques. Chamfort est membre de la Loge Les Neuf Soeurs – celle du F*** Voltaire – et il s’y rencontre avec le F*** Condorcet, le F*** Brissot, le F*** Garat, le F*** Desmoulins, sans compter le F*** Danton. (BARRUEL, Mémoires…. 1803, t. V, p. 83.)
Nos lecteurs estimeront sans doute qu’il est intéressant d’entendre le F*** Chamfort décrire en mai 1789 les manoeuvres qui, quelques semaines plus tard, serviront à jeter Paris, et toute la France après Paris, dans «un délire de frayeur et de rage».
« Nous avions à l’Académie française, écrit Marmontel, un des plus outrés partisans de la faction républicaine : c’était Chamfort, esprit fin, délié, plein d’un sel très piquant lorsqu’il s’égayait sur les vices et sur les ridicules de la Société, mais d’une humeur âcre et mordante contre les supériorités de rang et de fortune qui blessaient son orgueil jaloux... » (MARMONTEL, Mémoires, t. II, p. 281.)
A l’Académie, après une séance, Marmontel et Chamfort étaient restés seuls. Le F.-. Chamfort félicite son collègue de son échec aux élections :
« Excellent pour édifier, lui dit-il, vous ne valez rien pour détruire…
– Vous m’effrayez en parlant de détruire, riposte Marmontel, il me semblait, à moi, qu’on ne voulait que réparer.
– Oui, répond Chamfort, mais les réparations entraînent souvent des ruines : en attaquant un vieux mur, on ne peut pas répondre qu’il ne s’écroule sous le marteau… Vous désoleriez-vous de ne plus entendre parler d’Éminences, ni de Grandeurs, ni de titres, ni d’armoiries, ni de noblesse, ni de roture, ni du haut ni du bas clergé ?…
– En voulant tout abolir, il me semble, dit Marmontel, qu’on va plus loin que la nation ne l’entend, et plus loin qu’elle ne demande.
– Bon ! reprend Chamfort, la nation sait-elle ce qu’elle veut ? On lui fera vouloir et on lui fera dire ce qu’elle n’a jamais pensé ; et si elle en doute, on lui répondra comme Crispin au Légataire : C’est votre léthargie. La nation est un grand troupeau qui ne songe qu’à paître, et qu’avec de bons chiens, les bergers mènent à leur gré. Après tout, c’est son bien que l’on veut faire à son insu ; car, mon ami, ni votre vieux régime, ni votre culte, ni vos moeurs, ni toutes vos antiquailles de préjugés ne méritent qu’on les ménage… et pour tracer un nouveau plan, on a toute raison de vouloir faire place nette.
– Place nette ? insiste Marmontel, Et le Trône ? et l’Autel ?
– Le Trône et l’Autel, lui dit Chamfort, tomberont ensemble ; ce sont deux arc-boutant appuyés l’un sur l’autre ; que l’un des deux soit brisé, l’autre va fléchir… (Id., ibid., t. II, pp. 282 à 284.)
Le F*** Chamfort sait bien que ses frères et amis sont en droit de compter sur l’inertie de ceux qu’on appelle les hommes sages et modérés, tout occupés de leurs intérêts privés ou de leurs plaisirs. Et d’ailleurs, il compte sur le concours de « la classe des gens qui n’ont rien à perdre au changement et tout à gagner » :
« Pour l’ameuter, dit-il, on a les plus puissants mobiles, la disette, la faim, l’argent, les bruits d’alarme et d’épouvante, et le délire de frayeur et de rage dont on frappera ses esprits. Sachez que tous nos orateurs de tribune ne sont rien en comparaison des Démosthènes à un écu par tête, qui, dans les cabarets, dans les places publiques, dans les jardins et sur les quais, annoncent des ravages, des incendies, des villages saccagés, inondés de sang, des complots d’assiéger et d’affamer Paris. C’est là ce que j’appelle des hommes éloquents... » Id., ibid., t. II, pp. 285, 286.)
Cette conversation, comme bien on pense, fit une impression profonde dans l’esprit de Marmontel, effrayé par ce fanatisme destructeur :
« Le malheureux Chamfort, ajoute-t-il, s’en est puni en s’égorgeant lui-même lorsqu’il a connu ses erreurs. » (Id., ibid., t. II, p. 288.)
Le F*** Chamfort, en effet, si ardent qu’il fût pour la Révolution, ne compta plus du jour où l’équipe des intellectuels de son espèce fut remplacée par l’une des équipes d’assassins qui, successivement, travaillèrent aux abattoirs maçonniques de la Terreur. Jeté en prison, il ne put échapper à la guillotine que par le suicide, tandis que le Pouvoir Occulte de la Maçonnerie continuait à saigner la France aux quatre veines en attendant que les menteurs aux gages de ce même Pouvoir Occulte « déclarent au peuple qu’il est le plus grand de tous les peuples depuis 89, alors que c’est précisément à cette date que commence sa décadence. » (Ed. Druniont, La France Juive, t. 1, p. 495.)

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Notes

[1]. Compte-rendu du Convent de 1891, p. 451.
[2]. Ce fut en Bretagne comme en Bigorre. Que l’un confronte plutôt les dires du F*** Jouaust sur la prépondérance de ses FF*** dans les élections de 1789 en Bretagne avec un article de M. Sée (professeur d’histoire à l’Université de Rennes) paru dans l’une des nombreuses revues chargées de distiller les poisons jacobins et intitulé : Les Cahiers de paroisses de la Bretagne en 1789. Là aussi, il est question, de doléances générales qui étaient des reproductions d’un modèle. (La Révol. Française, n° du 14 juin 1904.) (L. D.)

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Sources des Illustrations

– Prise de la Bastille : http://fr.wikipedia.org/wiki/

– Prise des Tuileries : http://www.histoire-france.net/

– Retour de Louis XVI à Varennes : http://www.histoire-france.net/

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Une réflexion au sujet de « 1789, l’œuvre du peuple ? suite »

  1. aloe

    Cette série « 1789 » révèle les forces noires à l’oeuvre dans l’histoire de France.
    Ces documents méritent d’être dans la lumière.
    Merci !

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