Bulletin du 7 décembre 2012

Sans équivoque

« L’affection ou la haine changent la justice de face. Et combien un avocat bien payé par avance trouve-t-il plus juste la cause qu’il plaide. » B. Pascal (1623-1662), mathématicien et penseur français.

Edito

Suicide, un de plus ou de moins ?

En temps de crise le suicide augmente comme le prix du pétrole. Fuite ou mode d’action ? Honte ou dénonciation ? Il y a quelque temps le suicide annoncé d’un Grec sur une place publique athénienne a fait le tour de la toile. D’autres en Espagne et au Portugal se sont succédé. La France n’a pas été épargnée. L’année dernière une enseignante s’est donné la mort dans la cour de son établissement sans que les syndicats s’en saisissent pour élucider la question ou protester contre les réformes incessantes à petites touches qui désarçonnent les enseignants du secondaire. On les occupe à préparer les cours chaque année car les programmes changent continuellement (les manuels achetés par les élèves deux ans auparavant deviennent périmés, mais les éditions de manuels scolaires se portent bien. Il faut bien un gagnant, un winner pour utiliser le langage du marketing triomphant). Depuis quand les syndicats se préoccupent des problèmes des non syndiqués ? On ne va pas quand même perdre son temps avec ceux qui ne nous financent pas !

En début de semaine, un ancien journaliste de FR3 s’est donné la mort : c’était un journaliste qui dérangeait : il pointait le doigt sur là où ça fait mal. On l’a remercié. Il s’est ensuite attaqué aux conditions d’attribution de marchés publics d’une communauté de communes de son département.
On apprend ces jours-ci le suicide d’un adolescent de 14 ans menacé par son « mec » qui lui a réclamé par Facebook interposé 100 € .
Ces gestes désespérés vont-ils réveiller la société dans laquelle on vit ? Nous avons de gros doutes sur ce sursaut de conscience et d’intelligence.

Comment s’étonner de l’ineptie collective quand tout est pensé en termes de filières, de créneaux porteurs, de parts de marché ? Le marketing de la misère se porte ainsi bien. Il suffit d’ouvrir n’importe quel magazine (payant ou non) pour trouver des annonces liées au sexe et à la solitude proposant des « solutions » au mal être. Tiens, à propos, les maîtres du marketing n’ont pas encore trouvé le moyen de métamorphoser le suicide comme phénomène social en créneau porteur pouvant être coté en bourse.

L’argent, dit-on, n’a pas d’odeur. Quand la misère des uns peut rapporter aux autres on fonce dessus. On ne fait que se conformer aux règles dictées par l’économie de marché, la libre entreprise, le libéralisme (capitalisme étant un gros mot!), c’est légal ! Le mode de vie moderne fait le reste : torpiller les réseaux de solidarité d’antan, couper les liens familiaux et sociaux, mythifier le rôle de l’individu en le flattant. Résultat, la société est atomisée au bonheur des élites gouvernantes chargées de la surveiller. On devient ainsi de jour en jour plus insensible à la vie des autres, plus indifférent à leurs malheurs, plus individualistes (Ce n’est pas mon problème ! C’est ton problème ! Etc.). L’individu qui se croit tout puissant peut ainsi se noyer dans l’étang de la vie s’il ne dispose pas de bouée de sauvetage. Et quand on se noie on a besoin de l’aide des autres pour s’en sortir. Dans la société dite civilisée, les autres nous regardent nous noyer dans l’indifférence. Par contre, un bruit ou la musique un peu forte peuvent gêner les voisins, leur tranquillité, mais de voir des SDF exclus de tout réseau social, acculés à se blottir comme des bêtes quand arrive l’hiver, ne gêne absolument personne. Pour le reste la société s’en occupe. Si on a le cancer, on nous transporte à l’hôpital, la prise en charge par la sécu est totale en cas d’hospitalisation jusqu’à la guérison si guérison il y a. Que demande le peuple ? Mais soigner les causes du cancer ne relève pas des attributions du médecin traitant qui est là pour soigner le malade ! Plus il y a d’hospitalisations plus le PIB augmente, mieux le pays est classé !

Dans d’autres circonstances, un suicide peut mettre le feu aux poudres. Les plus de 50 ans gardent sans doute en mémoire le suicide d’un bonze vietnamien en plein Saigon de 1963. Par ce geste ultime ce religieux a protesté contre l’oppression et la persécution des bouddhistes par le régime dictatorial de Ngô Đình Diệm [1]. D’autres suicides de moines tibétains ont eu lieu épisodiquement toutes ces années sans ébranler le régime en place en Chine.
Alors, suicide, un de plus pour rien ou un de moins pour une société qui reste de marbre devant les drames sociaux. Suicide comme ultime mode d’action et de protestation ? Rêvons.

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Notes :
[1]. La CIA a contribué à ce phénomène en aspergeant d’essence un certain nombre de moines bouddhistes surpris en pleine méditation dans leur pagode et en les transformant en héros malgré eux.

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La semaine dernière on a découvert un ensemble ouïgour formé de musiciennes et chanteuses, cette semaine on reste dans la même région d’Asie centrale en allant un peu vers nord-ouest pour rejoindre le Kazakstan. Voici un aperçu de la virtuosité chez les jeunes musiciens avec leur dombra, instrument typiquement du pays présent dans toutes les assemblées kazakh et joué par un poète-musicien ou une consoeur.

 

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« En France un million de personnes sont sous la protection de la justice : des personnes âgées mais aussi des jeunes, des victimes de la maladie d’Alzeimer, des handicapés. On les appelle les majeurs protégés. » La justice ne dispose que de 80 juges et de 120 greffiers qui ont aussi autres choses à faire qu’éplucher les comptes des personnes sous tutelle, soit 5 000 dossiers chaque année par un seul magistrat. Tâche impossible à faire faute de temps.
Deux ans d’enquête pour aboutir au scandale : « L’homme est un loup pour l’homme » , dit le médiateur dont on a supprimé le poste.
Un documentaire d’Alexandra Riguet de FR.3, à qui on dit vraiment « chapeau »

  • Tutelles nos parents spoliés « Première partie » :
  • Tutelles nos parents spoliés « Deuxième partie » & Débat :

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Crédits illustrations :

Annonce du meeting sur la Palestine : http://www.alterinfo.net/

Les trois autres illustrations viennent de l’album de Jean-François Batellier, Sans retour ni consigne, Syros/La Brèche, 1979.

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