Bulletin du 6 juillet 2012

Sans équivoque

Si le sang versé
pouvait te fertiliser
sur les branches demain
les fruits auraient ma couleur.
Oui, j’avoue :
dans la lumière blanche et figée de la mort
Je tremble.

Bei Dao (poète chinois, 1949 -)

Édito

Au grand homme la Libye reconnaissante

Il n’est pas dans nos habitudes de faire des éditos pour un oui ou pour un non mais cette fois, quand même, car il s’agit d’une grande action humanitaire, et c’est aussi le dernier numéro du bulletin avant la pause estivale. Se montrer solidaire avec un grand esprit de la vie politique française, pardon internationale, il fallait le dire. Oui il s’agit de l’homme grâce à qui la démocratie a fait son nid en Libye. Vous avez deviné, c’est notre BHL que beaucoup confondent avec BHV à cause de leur cervelle inculte, et qui a risqué sa vie pour faire chasser le dictateur Kadhafi en allant sur le terrain miné. Il prend des risques lui, alors que d’autres se contentent de protester avec leur plume, derrière leur bureau. D’ailleurs il a ramené beaucoup d’images-témoins de son haut fait d’armes. Ces images sont fixées, classées, commentées, expliquées au grand public dans un documentaire dont le titre seul est déjà un poème, Le serment de Tobrouk. Oui parce que notre grand lettré a une passion pour le cinéma. Il a tenté plus d’une fois, et cette fois encore le grand public atteint par la pensée unique, boude sa grande œuvre cinématographique unique. Unique, Le serment de Tobrouk, car vous ne trouverez pas l’équivalent sur la place du marché, pardon il fallait dire dans les circuits de distribution pour ne pas le rabaisser au rang des camelots. D’après les chiffres connus, la fréquentation ne dépasse pas 1500 entrées la première semaine alors que le grand bienfaiteur de l’humanité a remué ciel et terre pour qu’on aille regarder son documentaire pour notre bien, pour notre culture : festival de Cannes, télés, radios, journaux, publicité, etc. Parce que BHL a ses entrées partout, un simple coup de téléphone et on parle de son œuvre. Grâce à son pouvoir de convaincre, tout le monde craque, cède devant son action désintéressée. Oui, on ne sait pas si tout le monde savait que BHL est un être dévoué aux grandes causes, il ne pense jamais à ses intérêts bassement matériels, c’est trop vulgaire. Mais voilà son film ne fait pas recette et cela ne nous fait pas rire. Les gens sont ingrats, incultes : tourner le dos à quelqu’un qui a changé le cours de l’histoire, il faut le faire. D’ailleurs rien de nouveau sous ce toit du monde, les grands esprits sont toujours seuls et décriés par les autres, envieux, jaloux, mesquins… Et notre soldat humanitaire ne s’est jamais plaint à la télé ou à la radio, il a l’air toujours passionné par sa cause et c’est de notoriété publique qu’il fait corps avec elle. Il a encore répété lors d’une Convention nationale organisée par le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) que « c’est en tant que juif » qu’il avait « participé à l’aventure politique en Libye », et « J’ai porté en étendard ma fidélité à mon nom et ma fidélité au sionisme et à Israël ». Mais il a, des semaines plus tard, rectifié cette conviction qui est sortie de sa bouche malgré lui : « C’est en tant que juif et Français […] ! Détail que peu de gens ont relayé ! Voyez sa grandeur d’âme, un juif au grand secours des Arabes. Est-ce que les Français sont capables comme lui d’aider les autres, et pas n’importe quels autres puisqu’ils s’agit des frères-ennemis, les Français qui sont englués dans L’idéologie française [1] ? D’ailleurs BHL n’aime pas que les Arabes il aime aussi l’Afrique, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Gabon. Dieudonné l’a accusé de faire saigner la forêt africaine si précieuse avec des espèces qui peuvent lui rapporter gros. Non, il la fait soigner, la forêt africaine qui n’appartient pas à Dieudonné, il l’entretient en fournissant du travail aux pauvres Africains exploités par leurs dictateurs. Dieudonné l’a diffamé par nationalisme panafricain, par… par… antisémitisme maladif, voilà. D’ailleurs tout le monde connaît Dieudonné au nez de qui toutes les salles de spectacle sont fermées. BHL n’y est pour rien. Il ne se rabaisse pas à aller gérer des salles de spectacle comme Dieudonné, un individu infréquentable sur lequel le Bétar ou la LDJ, les gardiens pacifiques de la paix civile et garants de la tolérance envers autrui, peuvent tomber dessus sans crainte.

Et puis il a, notre BHL, un verbe top. Il peut parler de tout mais jamais pour de rien. Tenez, il a dit encore quelque chose de très beau à propos du printemps arabe en Libye : lui « le représentant de la première tribu de l’humanité est venu soutenir les tribus libyennes en rébellion contre une dictature » ! Il n’a pas besoin de connaître l’histoire, il l’utilise à son avantage. Il ne se met jamais en scène parce qu’il ne s’occupe jamais de sa personne, ce sont les caméras qui le filment, les télés qui passent ses images, les radios qui diffusent les émissions, les journalistes qui accourent vers lui. Vous saisissez les nuances ? Il sait encore tordre le cou à la contradiction en se contorsionnant. Le maître du sophisme. Son dernier ouvrage ne s’intitule-t-il pas Faire la guerre sans l’aimer ? On sait que son domaine de prédilection n’est pas les champs de bataille, par contre il sait très bien pousser les autres à faire la guerre à sa place. Et ça marche. Voyez son grand pouvoir de séduction et de convaincre. Pour lui la guerre c’est le salut, d’ailleurs il n’a pas à cacher cette ultime conviction chez lui puisqu’elle est affichée sur le bandeau du site web qui lui est consacré. Cela nous change des Sartre, Camus et Cie qui voulaient dans le temps arrêter simplement la guerre.

Il est toujours présent dans les grandes causes pour défendre les petits contre les grands. Citons les plus récentes dans lesquelles BHL est l’un des moteurs : la guerre en Yougoslavie, la guerre d’Irak, changement de régime en Libye, déstabilisation de la Syrie et mise en accusation de l’Iran d’avoir des intentions nucléaires. Il est toujours du bon côté, celui des gagnants, parce qu’il sait analyser, calculer et compter… sur ses amis. Il n’est pas grand homme pour rien, il est cohérent. Ceux qui l’accusent d’être islamophobe, arabophobe sont des intégristes. BHL n’a-t-il pas défendu les Bosniaques contre les méchants Serbes, les Tchétchènes contre les barbares Russes, les Libyens et Syriens contre leur dictateur ? C’étaient tous des musulmans pour ne pas dire Arabes en simplifiant ! Alors ? !

Un grand homme comme lui ne peut avoir que des grandes idées. Tenez, c’est devant le spectacle plein d’espoirs, un petit matin à Kaboul livré au terrorisme que Bush essaie de combattre, qu’il a confié à un ami, son rêve le plus intime, le plus osé, le plus grandiose : la réécriture du Coran par un juif. Là il dépasse tous les penseurs depuis que l’humanité existe. Quelle audace ! Et avec un peu plus d’audace il va finir par proposer à un imam de réécrire la Torah. Il deviendrait immortel dans ce cas.

On s’éloigne de notre propos qui est Le serment de Tobrouk. Oui BHL est un sujet inépuisable car le personnage est indépassable et riche, pas parce qu’il est millionnaire, il ne l’a jamais dit, il est simplement un penseur, celui qui pense pour les autres. D’ailleurs il a mis sa pensée à la disposition de Sarko, le Karscher. Mais il est aussi bien avec Mitterrand. Il passe partout. Aucun sectarisme du moment où ses idées sont prises en compte. Philosophe non ? Revenons à nos moutons. Puisque BHL se passionne aussi pour le cinéma en tant que réalisateur bien entendu, entre autres passions, mais devant l’ingratitude du public, offrons-lui une deuxième chance. Comme c’est un homme désintéressé, nous sommes certain qu’il n’a pas cherché à faire subventionner son documentaire par des institutions diverses qu’il connaît, comme d’autres l’auraient fait à sa place, sûr qu’il a vraiment sorti ses économies de sa poche pour financer son œuvre. Si, si, il ne l’a pas dit mais on devine. Nous lançons donc un appel à contribution en solidarité avec notre soldat de la paix chez les autres, en lui envoyant chacun ne serait-ce qu’un centime pour compenser la mauvaise fréquentation des salles de cinéma, pour qu’il retrouve l’enthousiasme de faire un autre film. Pourquoi un centime ? Pour que tout le monde puisse faire preuve de compréhension, de compassion envers lui, il faut donner sa chance à tout le monde. Il ne faut pas que l’égalité des chances devienne un vain mot. Et le SDF qui dit qu’il n’a pas un centime dans sa poche, c’est qu’il a raté sa vie. Mais ne soyez pas inquiets pour BHL, il n’a pas du tout raté sa vie, lui. La montre Rolex comme objet de réussite professé par le gourou des médias, autre personnage modeste à suivre, Séguéla pour ne pas le citer, fait figure de misérable puisque BHL, lui, roule en Rolls tout simplement. Un manoir au Maroc pour sa grandeur et sa simplicité. Quel homme !

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  • Dieudonné au New York Times
http://www.youtube.com/watch?v=cr6-YHEJEUk

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Notes :
[1]. Un des ouvrages de BHL édité en 1981 dans lequel il règle ses comptes à la France.

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Crédits photos :

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Une réflexion au sujet de « Bulletin du 6 juillet 2012 »

  1. bagan

    Merci pour ce lien avec l’interview de Dieudonné.
    Bien sûr il a de l’humour, c’est son métier, mais là, c’est une argumentation impeccabble et pleine de coeur.
    « Trop » intelligent, « trop » conscient, on se fait des ennemis.

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