Le discours de Thomas Sankara sur la dette des pays africains

Il y a 25 ans, le jeune président Thomas Sankara du jeune Burkina-Faso a fait ce discours dans le cadre africain, puisqu’il s’agit du sommet de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine). 25 ans c’est le temps de renouvellement d’une génération. Il n’est donc pas inutile de rappeler aux jeunes générations d’Afrique et d’ailleurs l’esprit de ce grand homme qui a défié, au péril de sa vie, les bailleurs de fonds, comme il aimait à appeler les créanciers qui ont endetté l’Afrique pour jusqu’à « 60 ans et plus ».

Ce sommet africain s’est tenu le 29 juillet 1987 et Thomas Sankara a été abattu le 15 octobre 1987 par un commando qui n’a eu aucun mal à s’approcher de lui puisqu’il refusait d’avoir une garde présidentielle comme d’autres qui pensaient d’abord à eux-mêmes.

Plusieurs remarques s’imposent, d’abord sur le délai entre son discours et son assassinat : moins de trois mois, le temps largement suffisant pour faire abattre un homme qui ne vit pas protégé derrière les murs d’une garde prétorienne. Ce n’était pas simplement un homme, fût-il président, qu’on a abattu mais tout ce qu’il représentait : la rébellion contre le néocolonialisme, la dignité, l’indépendance, la paix, l’espoir, le désarmement, un projet de société, un avenir, un idéal en dehors de ce qui est proposé par les grands de ce monde. Il représentait un autre monde, il préconisait un autre rapport avec les pays riches et développés d’Occident, un rapport de dignité et non de soumission. Ce nouveau rapport caressé par Thomas Sankara devait secouer les bases malsaines d’un monde construit sur l’exploitation, la duperie et la violence d’État, sur lequel les pays riches veillent comme on veille sur la prunelle de ses yeux. Comme on ne peut faire de « bonnes affaires » qu’avec des hommes corrompus, un homme intègre devient dans ce contexte un homme à abattre. Dans un monde de brigands, l’honnête homme passe pour un salaud. L’intégrité, la justice dérangent, car elles mettraient fin au modèle installé et dominé par l’Occident. C’est donc en valeur d’exemple qu’on a fait assassiner ce jeune président qui ne s’était laissé guider que par son intégrité, sa compassion pour les peuples asservis. On a éliminé celui qui a eu le courage de dénoncer les rouages de la dette immonde dont s’enrichit toujours l’Occident à travers des institutions internationales qu’il a mises sur pied depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et qu’il contrôle. Par cet assassinat politique dont les enjeux tournent autour du pouvoir de contrôle sur le monde, on visait à faire peur à tous ceux qui seraient tenté de se dresser contre le néocolonialisme, ils ont été prévenus du sort qui leur serait réservé.

L’assassinat de Thomas Sankara n’a pas soulevé la foule en Afrique et encore moins en France, pays ancien colonisateur pour ne pas dire colonialiste qui s’y cramponne pour mieux contrôler les vieilles colonies perdues. Si Thomas Sankara fut abattu avec une telle facilité c’est parce que c’était un homme seul, parce qu’il n’y pas eu d’unité africaine, parce qu’il n’a pas obtenu le soutien souhaité de ses pairs, les hommes d’État d’Afrique, du moins sa proposition d’annuler la dette n’a pas été adoptée à l’unanimité. Si dans cette conférence on voit des visages gênés pendant son discours, – ce ne sont pas les pires parce que ceux-là ont encore un sentiment de honte en l’écoutant -, par contre, il y avait sans aucun doute des hommes qui ne laissaient transparaître aucun sentiment mais qui devaient se dire au fond d’eux-mêmes à son égard : « Cause petit ! On verra bien qui rira le dernier ! » Il y a eu bien sûr des applaudissements mais ils obéissaient sans doute plus à la logique de spectacle qu’à celle de conviction. C’était donc facile de se faire assassiner individuellement comme il a prédit. Les hommes d’État d’Afrique présents à cette conférence sont donc responsables aussi de sa mort au moins par non assistance à une personne en danger. Certains d’entre eux ont sans doute souhaité sa disparition ? Qui c’est ce jeune-là qui nous montre le chemin, qui nous donne des leçons ? Espérons que la pétition lancée par le site http://www.thomassankara.net/ en son honneur aboutisse à faire éclater la vérité.

Même si Thomas Sankara s’en défend, à son honneur, en disant que la révolution au Burkina-Faso est une production locale qui n’a aucune prétention à s’exporter mais le modèle burkinabe pouvait se répandre malgré lui. C’est donc le risque de contagion de ce modèle qui inquiétait les prétendues démocraties occidentales qui tirent toutes les ficelles pour se maintenir en leadership. Elles s’attribuent le rôle de gendarmes avec leurs armes produites pour tuer tout en s’imposant comme interlocuteurs privilégiés, bref, elles s’autorisent à être juge et partie. Elles veillent à faire disparaître tout ce qui représente une alternative à leur modèle et ce dans tous les domaines (médecine, agriculture, élevage, consommation, arts, économie, politique, éducation, spiritualité, etc.) Plus les crises s’aggravent plus les masques tombent. Il n’y a pas d’alternative possible à l’intérieur de ce modèle occidental. Il faut chercher ailleurs, en dehors de ce monde marchand qui exploite et pénètre dans tous les domaines de la vie pour en tirer profits, sans avoir à se soucier du sort des humains, des dégâts en termes environnemental Le combat est donc inégal : d’un côté les puissants (en armes), de l’autre les faibles et pauvres. D’un côté on réclame la justice et la dignité, la fraternité, de l’autre on n’a que faire de ces notions bonnes à exiger des autres. Les gens qui ont une dignité ne se laissent pas chasser, or avec le [néo]colonialisme la chasse ne suffit pas. Un adage kazakh dit : « Quand on chasse un chien il s’en va. » Voilà la tâche qui attend tous ceux qui souhaitent bâtir un autre monde, en finir avec le monde dominé par le capital et les sangsues de l’humanité.

Il ne s’agit pas ici de faire des louanges à un personnage devenu aujourd’hui historique ni d’élever le respect à son égard au culte de la personnalité, ce serait trahir sa pensée. Nous souhaitons simplement mettre en regard, sans complaisance, ce qu’il a dit et ce qui s’est passé dans la réalité. Si son analyse sur l’ennemi commun des masses africaines et européennes est séduisante, est-ce que la réalité est aussi rose qu’on veut le croire ? Ce point de vue emprunté au marxisme était plus crédible à l’époque de Marx où les prolétaires européens vivaient à peu de choses près dans les mêmes conditions que les colonisées d’Afrique et d’ailleurs. Au XXe siècle, surtout depuis la deuxième guerre mondiale cette solidarité de classe s’étiole au fur et à mesure que le niveau de vie sépare les uns des autres. Il existe toujours une fraction de l’opinion européenne, du moins française, qui se sent solidaire, hier avec les colonies et aujourd’hui avec l’Afrique. Il s’agit plutôt d’intellectuels progressistes, de syndicalistes, de militants politiques ou associatifs que de masse populaire. Les masses européennes se sont-elles mises debout une seule fois en solidarité avec les masses africaines exploitées pendant la colonisation ? Le génocide au Rwanda dans les années 1990 n’ont pas empêché les masses européennes de dormir alors que la France comme ancienne puissance coloniale était fortement soupçonnée d’être impliquée d’une manière ou d’une autre. L’Afrique du Sud est un cas limite : il y eut effectivement des mouvements de masse en Europe occidentale, du moins en France, pour réclamer la fin de l’Apartheid ; la figure de Mandela marqua cette époque de luttes chez une franche de militants européens. Le régime d’Apartheid en Afrique du Sud était arrivé à un point où aucun État occidental ne pouvait s’afficher officiellement solidaire avec lui car cela discrédite son prestige. Aucun État occidental ne pouvait se permettre cette arrogance car ils ont besoin d’une apparence respectable. Au fond l’Afrique du Sud ne pouvait pas tenir si longtemps s’il n’était pas soutenu par ses frères européens et américains (comprendre États-uniens). Si l’Afrique du Sud fut lâché à la fin, ce n’est pas pour améliorer le sort des gens vivant à Soweto mais simplement pour redorer l’image des prétendues démocraties occidentales qui seraient desservie par le maintien de l’Apartheid. Plus près de nous, la mise à sac de la Libye n’a pas soulevé la foule européenne d’indignation. Cette réserve sur la solidarité internationale n’enlève rien au courage et la dignité d’un homme d’État qui voulait élever l’intégrité au sommet des principes de l’action publique.

En tout cas, même mort Thomas Sankara nous éclaire la route. C’est grâce à son combat, à des gens comme lui que nous comprenons mieux notre monde, la marche de ce monde. À cet égard nous pensons bien sûr à d’autres justes qui sont tombés sous les balles ou à cause des agissements de l’ordre établi, de l’autre monde qu’on peut appeler l’immonde. Citons rapidement les plus connus : Gandhi, Martin Luther King, Patrice Lumumba, Che Guevara, Salvador Allende, Jean-Marie Tjibaou. La liste serait très longue si on y intègre ceux dont l’histoire ne retient pas le nom car trop insignifiants sur l’échelle des valeurs marchandes.

Voici donc le discours prononcé, sans notes, il y a 25 ans par un orateur héritier des traditions africaines basées sur l’oral et qui manie le verbe avec perspicacité, conviction, humour et générosité.

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Transcription intégrale du discours de Thomas Sankara (*)

[…] C’est pourquoi je voudrais proposer Monsieur le Président, que nous établissions un barème de sanctions. Pour les chefs d’État qui ne répondent pas à l’appel. Faisons en sorte que par un ensemble de points de bonne conduite, ceux qui viennent régulièrement, comme nous par exemple, puissent être soutenus dans certains de leurs efforts, exemple les projets que nous soumettons à la BAD, la Banque africaine de développement, doivent être affectés d’un coefficient d’africanité : les moins africains seraient pénalisés. Comme cela tout le monde viendra aux réunions ici.

Le président du CNR et du Faso aborde maintenant le problème de la dette des pays africains.

Nous estimons que la dette s’analyse d’abord de par ses origines. Les origines de la dette remontent aux origines du colonialisme. Ceux qui nous ont prêté de l’argent ce sont ceux-là qui nous ont colonisés. Ce sont les mêmes, qui géraient nos États et nos économies. Ce sont les colonisateurs qui endettaient l’Afrique auprès des bailleurs de fonds leurs frères et cousins. Nous étions étrangers à cette dette, nous ne pouvons donc pas la payer. La dette c’est encore le néocolonialisme où les colonisateurs se sont transformés en assistants techniques, en fait nous devrions dire qu’ils se sont transformés en assassins techniques. Et ce sont eux qui nous ont proposé des sources de financement, des bailleurs de fonds, un terme que l’on emploie chaque jour comme s’il y avait des hommes dont le baillement suffisait à créer le développement chez les autres. Ces bailleurs de fonds nous ont été conseillés, recommandés. On nous a présenté des montages financiers alléchants. Des dossiers. Nous nous sommes endettés pour 50 ans, 60 ans, même plus. C’est à dire que l’on nous amenés à compromettre nos peuples pendant 50 ans et plus. Mais la dette, c’est sa forme actuelle, contrôlée, dominée par l’impérialisme, une reconquête savamment organisée pour que l’Afrique, sa croissance, son développement obéissent à des paliers, à des normes qui nous sont totalement étrangères. Faisant en sorte que chacun de nous devienne l’esclave financier, c’est-à-dire l’esclave tout court de ceux qui ont eu l’opportunité, la ruse, la fourberie de placer les fonds chez nous avec l’obligation de rembourser. On nous dit de rembourser la dette, ce n’est pas une question de morale, ce n’est point une question de ce prétendu honneur que de rembourser ou de ne pas rembourser.

Monsieur Président, nous avons écouté, applaudi le premier ministre de Norvège lorsqu’elle était venue ici même. Elle a dit, elle qui est européenne, que toute la dette ne peut pas être remboursée. La dette ne peut pas être remboursée. La dette ne peut pas être remboursée parce que, d’abord si nous ne payons pas les bailleurs de fonds ne mourront pas. Soyons-en sûrs. Par contre si nous payons c’est nous qui allons mourir. Soyons-en sûrs également. Ceux qui nous ont conduits à l’endettement ont joué comme dans un casino. Quand ils gagnaient, il n’y avait point de débats. Maintenant qu’ils ont perdu au jeu, ils nous exigent le remboursement. Et on parle de crise. Non, Monsieur le Président. Ils ont joué. Ils ont perdu. C’est la règle du jeu. La vie continue.

Nous ne pourrons pas rembourser la dette parce que nous n’avons pas de quoi payer.

Nous ne pourrons pas rembourser la dette parce que nous ne sommes pas responsables de la dette.

Nous ne pourrons pas payer la dette parce qu’au contraire les autres nous doivent ce que les plus grandes richesses ne pourront jamais payer. C’est-à-dire la dette de sang. C’est notre sang qui a été versé. On parle du plan Marshall qui a refait l’Europe économique mais on ne parle jamais du plan africain qui a permis à l’Europe de faire face aux hordes hitlériennes. Lorsque leur économie était menacée, leur stabilité était menacée, qui a sauvé l’Europe ? C’est l’Afrique. On en parle très peu. On en parle si peu que nous ne pourrons pas, nous, être complices de ces silences… ingrats. Si les autres ne peuvent pas chanter nos louanges, nous avons au moins ce devoir de dire que nos pères furent courageux et que nos anciens combattants ont sauvé l’Europe et finalement ont permis au monde de se débarrasser du nazisme.

La dette c’est aussi la conséquence des affrontements. Et lorsque l’on nous parle aujourd’hui de crise, économique, l’on oublie de nous dire que la crise n’est pas venue de façon subite. La crise existe de tout temps. Et elle ira en s’aggravant chaque fois que les masses populaires seront de plus en plus conscientes de leurs droits face aux exploiteurs. Il y a crise aujourd’hui parce que les masses refusent que les richesses soient concentrées entre les mains de quelques individus. Il y a crise parce que quelques individus déposent dans des banques à l’étranger des sommes colossales qui suffiraient à développer l’Afrique. Il y a crise parce que face à ces richesses individuelles que l’on peut nommer, les masses populaires refusent de vivre dans les ghettos, dans les bas quartiers. Il y a crise parce que les peuples partout refusent d’être dans Soweto face à Johannesburg. Il y a donc lutte, et l’exacerbation de cette lutte amène les tenants du pouvoir financier à s’inquiéter. On nous demande aujourd’hui d’être complices de la recherche d’un équilibre. Équilibre en faveur des tenants du pouvoir financier, équilibre au détriment de nos masses populaires. Non, nous ne pourrons pas être complices. Non, nous ne pouvons pas accompagner ceux qui sucent le sang de nos peuples et qui vivent de la sueur de nos peuples. Nous ne pouvons pas les accompagner dans leur démarche assassine.

Monsieur le Président, nous entendons parler de clubs, Club de Rome, Club de Paris, club de partout. Nous entendons parler du Groupe des 5, du Groupe des 7, du Groupe des 10, et peut-être du Groupe des 100, et que sais-je encore ? Il est normal que nous créons notre club et notre groupe. Faisons en sorte que dès aujourd’hui Addis Abeba devienne également le siège, le centre d’où partira le souffle nouveau, le Club d’Addis Abeba. Nous avons le devoir aujourd’hui de créer le Front uni d’Addis Abeba contre la dette. Ce n’est que de cette façon que nous pourrons dire aux autres : «En refusant de payer la dette nous ne venons pas dans une démarche belliqueuse, au contraire c’est dans une démarche fraternelle pour dire ce qui est ». Du reste, les masses populaires en Europe ne sont pas opposés aux masses populaires en Afrique, mais ceux qui veulent exploiter l’Afrique ce sont les même qui exploitent l’Europe. Nous avons un ennemi commun. Donc, notre Club parti d’Addis Abeba devra également dire aux uns et aux autres que la dette ne saurait être payée. Et quand nous disons que la dette ne saurait être payée ce n’est point que nous sommes contre la morale, la dignité, le respect de la parole, parce que nous estimons que nous n’avons pas la même morale que les autres. Entre le riche et le pauvre il n’y a pas la même morale. La Bible, le Coran ne peuvent pas servir de la même manière celui qui exploite le peuple et celui qui est exploité. Il faudra alors obtenir deux éditions de la Bible, et deux éditions du Coran. On ne peut pas accepter qu’on nous parle de dignité. Nous ne pouvons pas accepter qu’on nous parle du mérite de ceux qui payent et de perte de confiance vis-à-vis de ceux qui ne paieraient pas. Nous devons au contraire dire que c’est normal aujourd’hui, nous devons au contraire reconnaître que les plus grands voleurs sont les plus riches. Un pauvre quand il vole ne commet qu’un larcin ou une peccadille, tout juste pour survivre par nécessité. Les riches, les riches, ce sont eux qui volent le fisc, les douanes et qui exploitent le peuple.

Monsieur le Président, ma proposition ne vise pas simplement à provoquer, ou à faire du spectacle. Je voudrais dire ce que chacun de nous pense et souhaite. Qui ici ne souhaite pas que la dette soit purement et simplement effacée ? Celui qui ne le souhaite pas, il peut sortir, prendre son avion et aller tout de suite à la banque mondiale… payer. Tous nous souhaitons… Ma proposition n’est pas non plus … Je ne voudrais pas que l’on prenne la proposition du Burkina Faso comme celle qui viendrait de la part … de… de jeunes … sans maturité, sans expérience. Je ne voudrais pas non plus que l’on pense qu’il n’y a que les révolutionnaires à parler de cette façon. Je voudrais que l’on admette que c’est simplement l’objectivité, et l’obligation. Et je peux citer dans les exemples de ceux qui ont dit de ne pas payer la dette, des révolutionnaires comme des non révolutionnaires, des jeunes comme des vieux. Je citerai par exemple, Fidel Castro a déjà dit de ne pas payer. Il n’a pas mon âge, même s’il est révolutionnaire. Mais je pourrais citer également François Mitterrand qui a dit que les pays africains ne peuvent pas payer. Les pays pauvres ne peuvent pas. Je pourrais citer Madame Le premier ministre, je ne connais pas son âge et je m’en voudrais de le lui demander. Mais, c’est un exemple. Je voudrais citer également le président Félix Houphouët-Boigny, il n’a pas mon âge, cependant il a déclaré officiellement, publiquement, qu’au moins pour ce qui concerne son pays, la Côte d’Ivoire ne peut pas payer. Or la Côte d’Ivoire est classée parmi les pays les plus aisés d’Afrique au moins d’Afrique francophone, c’est pourquoi d’ailleurs il est normal qu’elle paye plus en contributions ici. Mais Monsieur le Président, ce n’est donc pas de la provocation, je voudrais que très sagement vous nous obteniez des solutions. Je voudrais que notre conférence adopte la nécessité de dire clairement que nous ne pouvons pas payer la dette. Non pas dans un esprit belliqueux, belliciste, ceci pour éviter que nous allions individuellement nous faire assassiner. Si le Burkina Faso refuse tout seul de payer la dette, je ne serai pas là à la prochaine conférence. Par contre avec le soutien de tous, dont j’ai besoin, avec le soutien de tous nous pourrons éviter de payer. Et en évitant de payer, nous pourrons à notre développement. Et je voudrais terminer en disant que chaque fois qu’un pays Africain achète une arme c’est contre un Africain. Ce n’est pas contre un Européen, ce n’est pas contre un Asiatique. C’est contre un Africain. Par conséquent nous devons également dans la lancée de la résolution de la question de la dette trouver une solution aux problèmes de l’armement. Je suis militaire et je porte une arme, mais Monsieur le Président je voudrais que nous nous désarmions. Parce que moi je porte l’unique arme que je possède et d’autres camouflent les armes qu’ils ont. Alors chers frères avec le soutien de tous, avec le soutien de tous nous pourrons faire la paix chez nous. Nous pourrons également utiliser ses immenses potentialités pour développer l’Afrique parce que notre sol, notre sous-sol sont riches. Nous avons suffisamment de bras et nous avons un marché immense, très vaste du nord au sud, de l’est à l’ouest. Nous avons suffisamment de capacité intellectuelle pour créer ou tout au moins prendre la technologie et la science partout où nous pourrons les trouver.

Monsieur le Président, faisons en sorte que nous mettions au point ce front uni d’Addis Abeba contre la dette. Faisons en sorte que ce soit à partir d’Addis Abeba que nous décidions d’éliminer la course aux armements entre pays faibles et pauvres. Les gourdins et les coutelas que nous achetons sont inutiles. Faisons en sorte également que le marché africain soit le marché des Africains. Produire en Afrique, transformer en Afrique, et consommer en Afrique. Produisons ce dont nous avons besoin et consommons ce que nous, nous produisons au lieu d’importer. Le Burkina-Faso est venu vous exposer ici la cotonnade produite au Burkina-Faso, tissée au Burkina-Faso, cousue au Burkina-Faso pour habiller les Burkinabés. Ma délégation du Burkina-Faso et moi-même, nous sommes habillés par nos tisserands, nos paysans. Il n’y a pas un seul fil qui vienne de l’Europe, ou de l’Amérique. Je ne fais pas un défilé de mode mais, je voudrais simplement dire, je voudrais simplement dire que nous devons accepter de vivre africain, c’est la seule façon de vivre libre et de vivre digne.
Je vous remercie Monsieur le Président.
La patrie ou la mort, nous vaincrons.

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(*) Cette transcription a été faite par nos soins avec la participation de Gitano, qu’elle en soit remerciée.

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