L’eau, un élément si familier et tellement banal de notre vie quotidienne qu’on oublie son importance. Sans elle il n’y aurait pas eu de vie possible sur Terre, plus d’eau plus de vie simplement.
La mission d’information sur la géopolitique de l’eau 1 créée le 5 octobre 2010 par la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale vient de déposer son rapport qui est une mine d’informations intéressant le public. Nous en profitons pour publier quelques extraits, vu la longueur du rapport qui fait plus de 300 pages en version pdf nous ne pouvons pas le mettre en ligne intégralement. Mais un lien sera pointé vers ce rapport en fin des extraits.
Dix chiffres clés sur l’eau
- 3,2 millions de personnes meurent chaque année par manque d’accès à l’eau potable (soit 6 % des décès). Un enfant meurt toutes les 3 secondes, 20 toutes les minutes par manque d’eau ou à cause d’une eau de mauvaise qualité.
C’est plus de 10 fois les dégâts provoqués par le Syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA).
- 900 millions de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’eau potable
La majorité de ces populations se trouvent dans les pays pauvres ou en développement, ce qui est un facteur aggravant de pauvreté et se rajoute à d’autres facteurs sanitaires (choléra, paludisme, etc.)
- 2,9 milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’eau courante chez eux, et se fournissent à un puit…
En moyenne, la distance du puit aux habitations est de 3 kilomètres, mais dans certaines zones arides, les habitants parcourent parfois jusqu’à 10 km pour puiser de l’eau, et ce de manière quotidienne. Le taux de connexion à l’eau potable à domicile est de 100 % dans les pays du Nord, 44 % dans les pays en voie de développement, 16 % en Afrique subsaharienne
- Plus d’un tiers de l’humanité vit dans un environnement insalubre, sans évacuation des eaux usées.
Cet environnement propice aux maladies est responsable de la mort de 3 900 personnes par jour. C’est dix fois plus que les conflits armés.
- En moyenne, chaque être humain dispose de 5 000 mètres cubes d’eau douce par an, tous usages confondus
Cependant, ce chiffre masque une réalité toute autre : la répartition est très inégale. Un Islandais disposera de 630 000 mètres cubes par an, alors qu’un Gazaoui seulement de 59 mètres cubes
- 70 % de l’eau prélevée et 93 % de l’eau consommée l’est … par l’agriculture
Il faut en moyenne 13 000 litres d’eau pour produire un kilo de viande de boeuf
- Il faut de 2 000 à 5000 litres d’eau pour produire la nourriture quotidienne d’une personne, contre 2 à 5 litres pour boire et 25 à 100 litres pour les usages domestiques.
- On compte 280 millions d’hectares irrigués dans le monde, contre 190 en 1980
- En 2025, la demande d’eau sera de 56 % supérieure à ce qu’elle est actuellement
- Il existe 276 bassins transfrontaliers dans le monde, qui couvrent 45 % des terres émergées et correspondent à 60 % des eaux douces superficielles
Ils regroupent 40 % de la population mondiale. Près de 40 Etats dépendent pour plus de la moitié de leurs ressources en eau de pays voisins. En haut de l’échelle on trouve l’Égypte et le Turkménistan (97 %), la Mauritanie (96 %), le Niger (90 %), la Syrie (80 %), le Pakistan et l’Ouzbékistan (77%).
Volumes globaux et cycle de l’eau
L’eau est une ressource naturelle que l’on trouve en abondance sur notre bien nommée « Planète bleue » : 75 % de sa surface est recouverte d’eau. Cependant, la proportion d’eau douce, s’entendant de l’eau renfermant moins d’un gramme de matières solides dissoutes par litre, est très faible, puisque les océans et mers représentent plus de 97,5 % des stocks d’eau. Près de 70 % de l’eau douce sont prisonniers des glaces, soit 2 % du stock total d’eau. Les deux énormes glaciers (inlandsis) de l’Antarctique et du Groenland stockent à eux deux 65 % de l’eau douce. En outre, 30 % des eaux douces sont souterraines, stockées dans les aquifères 2, le reste se trouvant dans les lacs, les cours d’eau, l’atmosphère et la biosphère. La part de l’eau douce effectivement accessible représente nettement moins d’1 % des stocks totaux d’eau, soit une infime quantité. Selon la FAO, sur les 1,4 milliard de km3 d’eau présents sur la planète, seuls 45 000 kilomètres cubes sont de l’eau consommable et 9 000 à 14 000 km3 d’eau sont accessibles.
Cette quantité d’eau est stable car renouvelable. C’est le cycle hydrologique, communément appelé le « grand cycle de l’eau » par opposition au « petit cycle de l’eau » qui correspond à celui des usages agricoles, industriels et domestiques de l’eau. Chaque année, il s’évapore plus d’eau qu’il n’en tombe sur les océans, mais il tombe plus d’eau qu’il ne s’en évapore sur les continents. Chaque année 500 000 km3 s’évaporent au-dessus des océans et 8 %, près de 40 000 km3, sont transférés sur les continents sous forme de précipitations (les autres retombent sous forme de pluie sur les océans). La vapeur océanique se transforme donc en pluie sur les continents, ce qui permet d’approvisionner les cours d’eau et les réserves souterraines.
Le climat influe sur la répartition géographique de la ressource hydrique en créant des conditions variées d’évaporation et de pluviométrie qui, combinées, affectent la répartition de la ressource hydrique. Concernant l’évaporation, les zones géographiques connaissant des températures très chaudes et un ensoleillement important voient leurs réserves d’eau s’amenuiser plus rapidement que les régions au climat tempéré ou froid, pour qui le renouvellement de l’eau est naturellement plus facile, et la ressource disponible en plus grande quantité. Concernant la pluviométrie, l’eau évaporée est restituée sous forme de précipitations, dont la quantité varie sensiblement en fonction des régions. Certains pays connaissent ainsi une pluviométrie plus importante que d’autres, et peuvent ainsi plus facilement régénérer leurs réserves en eau douce, notamment souterraines, par les processus d’infiltration ou de percolation 3. Si l’on ajoute la disposition et le relief des continents, les différences sont encore plus marquées : les contreforts de l’Himalaya reçoivent parfois plus de 10 mètres d’eau par an.
La répartition de l’eau douce à l’échelle de la planète : des inégalités « naturelles »
Neuf pays concentrent 60 % des réserves d’eau douce mondiales : le Brésil, le Canada, la Chine, la Colombie, les États-Unis, l’Inde, l’Indonésie, le Pérou et la Russie. Le Canada dispose ainsi de 86 177 m3 d’eau par habitant et par an. Les inégalités face à l’eau tiennent à la répartition géographique de la quantité d’eau disponible, mais aussi à la population présente sur un territoire donné. Tandis que l’Asie concentre près de 60 % de la population mondiale, elle ne dispose que de 30 % des ressources mondiales disponibles en eau douce. À l’opposé, l’Amazonie, qui ne compte que 0,3 % de la population du globe, possède 15 % de ces ressources.
Prise dans sa globalité, la ressource hydrique est suffisamment abondante pour satisfaire les besoins d’une population mondiale de près de 7 milliards d’individus. Chaque être humain dispose en effet en moyenne de 5 000 m3 d’eau par an. Naturellement, il ne s’agit que d’une moyenne et nombreuses sont les régions où la quantité d’eau brute disponible par habitant, exprimée par le ratio du mètre cube par habitant, est grandement inférieure, alors que certaines régions bénéficient d’une surabondance. Entre la bande de Gaza, en Palestine, très pauvre en eau douce (59 mètres cubes par habitant et par an) et l’Islande, où la ressource est pléthorique (538 000 mètres cubes par habitant et par an), le rapport est d’un à dix mille.
Des seuils ont été fixés par convention pour qualifier les degrés d’adéquation ou d’inadéquation de la quantité d’eau et du nombre d’habitants. En deçà d’un seuil de 2500m3 d’eau par habitant et par an, un pays est considéré en situation de vulnérabilité. Le seuil de pénurie en eau ou « stress » est fixé à 1700 m3 d’eau par habitant et par an. La pénurie est considérée comme chronique en dessous du seuil de 1 000 m3 d’eau par habitant et par an et la situation est qualifiée de critique en dessous de 500m3.
Environ un tiers de la population mondiale, plus de 2 milliards de personnes, vivrait en dessous du seuil de stress hydrique. 20 pays dans le monde seraient en état de pénurie : douze sur le continent africain (Afrique du Sud, Algérie, Burundi, Égypte, Éthiopie, Kenya, Libye, Malawi, Maroc, Rwanda, Somalie et Tunisie) et sept au Moyen-Orient (Arabie Saoudite, Iran, Israël, Jordanie, Koweït, Yémen et Territoires palestiniens). En réalité, des millions de personnes vivent avec moins de 500 m3 d’eau par an, situation obérant toute perspective de développement et de croissance. Le manque d’eau est structurel dans le vaste triangle qui s’étend de la Tunisie au Soudan et au Pakistan, c’est dire dans plus de vingt pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient, qui présentent une situation de pénurie chronique (moins de 1 000 m3 d’eau douce par an).
Les usages de l’eau, ressource multidimensionnelle au cœur de l’organisation sociale
Une pénurie relative d’eau s’instaure lorsque la structure de consommation induit des tensions dans le partage de la ressource. Si l’on se réfère au cycle de l’eau 4, il est possible de dissocier quatre usages de l’eau. Les deux premiers se rattachent à l’eau « verte » : elle est d’une part utilisée directement par l’agriculture pluviale et l’élevage et d’autre part utilisée indirectement pour le maintien des écosystèmes terrestres et de la biomasse. Les deux autres usages se rattachent à l’eau bleue, généralement utilisée pour déterminer la ressource mobilisable. Elle est d’une part utilisée par les écosystèmes, aquatiques mais pas seulement, pour le maintien de la biodiversité 5 et est, d’autre part, utilisée au moyen de prélèvements pour l’agriculture, l’industrie et les activités domestiques. C’est ce volume d’eau qui est généralement utilisé pour déterminer la ressource mobilisée et pour quantifier la répartition des usages de l’eau.
L’eau prélevée dans les cours d’eau et les aquifères est affectée à trois usages principaux : l’agriculture, la production industrielle et la consommation domestique. Il convient à cet égard de distinguer l’eau prélevée et l’eau consommée, c’est-à-dire qui ne retourne pas au cycle de l’eau. Le volume total d’eau prélevée est de 3 830 km3 selon la FAO, soit 571 m3 par habitant et par an ou 8,8 % des ressources renouvelables.
D’après les données de la FAO, les usages de l’eau se répartissent à 70 % pour l’agriculture, 20 % pour la production industrielle (utilisant l’eau comme fluide de procédés ou comme intrants dans des produits) et énergétique (hydroélectricité, énergie thermique et nucléaire), et 10 % pour la consommation domestique. L’eau sert donc d’abord à nourrir les hommes. Ceci s’explique en premier lieu par le fait qu’il faut de 2000 à 5000 litres d’eau pour produire la nourriture quotidienne d’une personne, contre 2 à 5 litres pour boire et 25 à 100 litres pour les usages domestiques. Si l’on s’attache à la consommation d’eau et non aux prélèvements, l’agriculture consomme même 93 % de l’eau douce, contre 4 % pour les industries et 3 % pour les collectivités. L’agriculture est donc de très loin le secteur qui prélève et qui consomme le plus d’eau dans le monde avec 2 844 km3 par an. Les aquifères, qui représentent un volume 100 fois supérieur à l’eau douce de surface, assurent eux aussi une bonne part de nos besoins et l’augmentation de la demande en eau s’est traduite depuis la deuxième moitié du XXème siècle par un recours croissant à ces bassins souterrains. A l’échelle mondiale, cette ressource est utilisée à 65% pour l’irrigation, 25% pour l’alimentation en eau potable et 10% pour l’industrie. Dans de nombreux pays, les systèmes d’irrigation reposent très largement sur les nappes souterraines (90 % en Libye, 89 % en Inde, 84 % en Afrique du Sud, 80 % en Espagne).
Cette répartition masque de réelles différences entre régions du monde. La part de l’agriculture dans les prélèvements s’établit ainsi en moyenne à 32,4 % en Europe, 38,7 % en Amérique du nord, 70,7% en Amérique du sud et Caraïbes, 81,3 % en Asie-Pacifique, 84,1 en Afrique et 87,6 % au Moyen Orient. Cependant, même en Europe, l’agriculture reste le principal consommateur d’eau. Ces écarts s’expliquent d’abord par le poids du secteur industriel dans les pays développés.
Les États qui prélèvent le plus d’eau sont ceux où l’agriculture irriguée est très importante. On compte actuellement 280 millions d’hectares irrigués dans le monde, contre 190 en 1980. L’agriculture irriguée est responsable de 95 % des prélèvements d’eau douce dans certains pays en développement.
Si l’on observe la part des ressources renouvelables prélevée pour l’agriculture, on constate des différences très nettes. Dans certaines régions, la ressource est peu mobilisée, y compris lorsque l’usage agricole est très largement dominant, soit du fait d’une densité de population faible, soit d’une mauvaise gestion de la ressource. Dans d’autres, le pourcentage de ressources renouvelables utilisées à des fins agricoles excède 40 %. Ces régions sont situées sur l’axe de stress hydrique, autant dire que leurs marges de mobilisation de la ressource sont faibles pour faire face à une augmentation des besoins.
La crise sanitaire : un scandale mondial
La crise sanitaire et sociale liée à l’eau résulte directement des problèmes d’accès à l’eau potable et à l’assainissement d’une partie de la population mondiale, et des pollutions qui rendent l’eau consommée de plus en plus insalubre. À titre d’exemple, selon l’OMS, le Gange reçoit 1,1 million de litres par minute d’eaux d’égout à l’état brut, chiffre alarmant quand on sait qu’un gramme d’excréments peut contenir 10 millions de virus, 1 million de bactéries, 1000 kystes parasitaires et 100œufs de vers intestinaux.
La crise sanitaire est aujourd’hui telle que, comme le souligne le programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), « L’ampleur de l’eau polluée fait que plus de gens meurent d’eau contaminée et polluée que de toutes autres formes de violence, y compris les guerres ». Bien entendu, il est difficile de donner des chiffres exacts. Ceux que les agences onusiennes publient – qui apparaissent les plus fiables – permettent cependant de prendre la mesure du drame :
– 3,2 millions de personnes meurent chaque année par manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement, soit environ 6% des décès, et un enfant toutes les trois secondes 6;
– 80 % des maladies mortelles en Afrique sont dues à des problèmes d’épuration et plus d’un tiers des décès dans les pays en développement sont dus à la consommation d’eau contaminée ;
– 4000 personnes meurent chaque jour de maladies associées au mauvais assainissement de l’eau 7;
– 1,5 million d’enfants meurent chaque année de diarrhée. Un tiers de ces morts pourraient être évitées grâce à la mise en place de services adéquats d’assainissement. La diarrhée est la deuxième cause de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans après la pneumonie. Le simple lavage des mains divise le risque de diarrhée par deux ;
– plus de la moitié des lits d’hôpitaux dans le monde sont occupés par des personnes développant des maladies liées à l’usage d’une eau insalubre ;
– 100 millions de personnes souffrent en permanence de gastro-entérites hydriques ;
– les maladies liées à l’eau empêchent en moyenne chaque individu de travailler pendant un dixième de sa vie active ;
– 443 millions de jours d’école sont perdus chaque année du fait de maladies d’origine hydrique ou liées à l’absence de services d’assainissement ;
– 260 millions de personnes sont atteintes de bilharziose, près de 2 millions de décès sont observés chaque année parmi les personnes impaludées et 30 millions d’onchocercose sont dénombrées.
Ces chiffres sont imputables à la pauvreté, mais l’absence d’accès à l’eau potable et l’absence d’assainissement y participent, tout comme des soins insuffisants.
Eau utilisée pour la production
Production | Volume d’eau utilisé (en litres) |
1 tee-shirt coton | 4 100 |
1 kilo de blé | 1 300 |
1 kilo de graines de soja | 1 800 |
1 kilo de riz | 1 900 |
1 kilo de pommes | 700 |
1 kilo de pommes de terre | 900 |
1 paire de chaussure | 1 800 |
1 kilo de fromage | 5 000 |
1 kilo de poulet | 3 900 |
1 kilo de bœuf | 15 500 |
1 kilo de café torréfié | 20 686 |
1 feuille de papier A4 | 10 |
1 kilo de fromage | 4 914 |
L’eau, révélatrice d’un nouvel apartheid au Moyen Orient
Mise en place en 1948 par le premier ministre F. Malan, l’apartheid a vu le développement différencié des groupes ethniques en Afrique du Sud pendant un demi siècle. Cette politique consistait à la fois en une ségrégation raciale et spatiale (cloisonnement des populations noires et « coloured » dans des espaces confinés appelés bantoustans) mais aussi en une ségrégation citoyenne, les libertés d’une partie de la population (restriction du droit d’aller et venir, du droit de se rassembler dans les lieux publics, violences policières) étant bafouées. L’odieux régime de l’apartheid a pris fin en Afrique du Sud au début des années 90, avec la libération de Nelson Mandela et des prisonniers politiques, le compromis courageux entre M. de Klerk et Mandela et les premières élections libres de 1994 confiant massivement le pouvoir à l’ANC African National Congress, le parti de Mandela.
Bien sûr, comparaison n’est pas forcément raison : la Palestine n’est pas l’Afrique du Sud, et les années 2010 ne sont pas celles d’avant 1990. Pourtant, il est des mots et des symboles qui par leur force peuvent avoir une vertu pédagogique.
Or, tout démontre, même si bien peu nombreux sont ceux qui osent employer le mot, que le Moyen-Orient est le théâtre d’un nouvel apartheid.
La ségrégation y est raciale mais comme on n’ose pas le dire, on dira pudiquement « religieuse ». Pourtant, la revendication d’un état « Juif » ne serait-elle que religieuse ?
La ségrégation est spatiale également : le mur élevé pour séparer les deux communautés en est le meilleur symbole. La division de la Cisjordanie en trois zones, A, B et C en est une autre illustration :
L’armée israélienne a transféré à l’Autorité palestinienne la responsabilité des affaires civiles, c’est-à-dire la fourniture de services à la population, dans les zones A et B. Ces deux zones, qui contiennent près de 95 % de la population palestinienne de Cisjordanie, ne représentent que 40 % du territoire. La zone C reste entièrement placée sous l’autorité de l’armée israélienne. Cette zone représente 60 % du territoire de la Cisjordanie, avec toutes les réserves foncières et l’accès aux ressources aquifères, ainsi que toutes les routes principales.
La ségrégation est aussi hautaine et méprisante (« ces gens-là ne sont pas responsables »…répètent à l’envie certains responsables israéliens), vexatrice et humiliante (les passages aux check point sont restreints ou relâchés sans prévenir) voire violentes (la répression des manifestations fait régulièrement des morts…).
C’est donc bien d’un « nouvel apartheid » qu’il s’agit.
Et dans cette situation, l’eau est ainsi un élément particulier du conflit entre Palestiniens et Israéliens, au point qu’elle constitue le « 5ème volet » des accords d’Oslo. La Déclaration d’Oslo du 13 septembre 1993 reconnaît les droits des Palestiniens sur l’eau en Cisjordanie. L’accord intérimaire de Taba du 28 septembre 1995 prévoit un partage des eaux jusqu’à la signature d’un accord permanent. Mais ce partage est incomplet : il ne porte que sur les aquifères ; le Jourdain en est exclu, les Palestiniens n’y ayant plus accès. Ensuite il gèle les utilisations antérieures et ne répartit que la quantité d’eau encore disponible, c’est dire 78 mètres cubes de l’aquifère oriental. Il est donc très défavorable aux Palestiniens qui n’exploitent que 18 % des aquifères ; soit 10 % de l’eau disponible sur le territoire.
C’est pourquoi sans règlement politique global, on voit mal comment ce qui est devenu un véritable « conflit de l’eau » pourrait trouver une solution.
Israël ou la conquête de l’eau
Analyser le partage du Jourdain, c’est d’abord relater l’histoire de l’Etat d’Israël, qui se caractérise notamment par une conquête de l’eau : maîtrise de l’eau pour assurer sa distribution et rendre la terre fertile, conquête des territoires lui assurant la sécurité de l’approvisionnement, création d’eau par les procédés les plus innovants.
Le premier sommet des chefs d’États arabes en 1964 avait pour objet de réunir les Arabes contre le détournement des eaux du Jourdain par Israël. La maîtrise des ressources en eau n’est pas nouvelle dans l’histoire d’Israël. La nécessité de disposer des sources d’eau sur le territoire du futur Etat figurait déjà dans l’esprit de l’Organisation sioniste. Les limites du futur Etat étaient pensées comme devant inclure une partie du Liban, plus précisément le Litani. Il est difficile dans ces conditions de ne pas voir dans les conquêtes territoriales qui suivirent une conquête de l’eau. À l’issue de la guerre des Six jours, Israël s’emparait de territoires riches en eau : le Golan (les sources du Banias), qui fournit 20 % de l’eau « naturelle » d’Israël, et la Cisjordanie (Jourdain, Yarmouk et aquifères). Le 14 mars 1978, l’opération « Litani » se traduira par une occupation du sud-Liban à nouveau occupé après l’opération « Paix en Galilée » lancée en février 1982. Le barrage de Karaoun est pris, qui représente un réservoir de 220 millions de m3. Au total, l’eau « naturelle » d’Israël provient pour plus de la moitié de ses frontières d’avant 1967 et un quart des territoires occupés de Gaza et de Cisjordanie. Voilà pour la conquête des sources d’approvisionnement, sans que ce facteur de conflit l’emporte sur les autres.
Les droits à l’eau des Palestiniens : des droits reconnus dans le cadre d’un partage provisoire et inégal des ressources des seuls aquifères
En Cisjordanie, la nappe phréatique dite « des montagnes » est la principale ressource hydraulique partagée. Elle se divise en trois bassins. Le bassin ouest, dont 70 % de la surface se situe du côté palestinien, est le plus productif avec une capacité de renouvellement de 362 millions de mètres cubes (MCM) par an. La capacité estimée du bassin nord est de 142 MCM par an et celle du bassin de 172 MCM. Bien que ce dernier bassin se situe quasi exclusivement en Cisjordanie, l’exploitation israélienne représente 60 % des quantités extraites annuellement. En outre, la Cisjordanie borde la rivière du Jourdain mais les Palestiniens n’y ont pas accès. Cette ressource hydraulique est exploitée à 60 % par les Israéliens et à 40 % par les pays arabes.
Dans la Déclaration d’Oslo du 13 septembre 1993, « Israël reconnaît les droits des Palestiniens sur l’eau en Cisjordanie » (article 1-3). Le volet « eau » de l’accord intérimaire de Taba signé le 28 septembre 1995 entre l’Autorité Palestinienne et l’État d’Israël (Oslo II) prévoit un partage des eaux qui s’applique jusqu’à la signature d’un accord permanent.
Les clauses de 1995 des accords d’Oslo II ne concernent que les eaux souterraines. Son article 40 traite des principes de partage selon les quantités utilisées à l’époque de l’accord, plus une quantité supplémentaire que la partie Palestinienne pourrait exploiter à partir de l’aquifère Oriental. Les négociations à l’époque ne pouvaient en effet porter que sur le partage de cet aquifère qui offrait 78 millions de m3 non utilisés. Les aquifères du nord et de l’ouest étaient déjà totalement utilisés. La répartition a donc été gelée.
Ainsi, le développement des ressources hydrauliques est limité, premièrement par les dispositions de l’article 40 des accords d’Oslo II (1995) qui accordent aux Palestiniens le droit d’exploiter 18 % seulement de la nappe des montagnes. La part allouée aux Palestiniens a été définie en fonction du niveau de consommation à la date de la signature de l’accord (118 MCM/an). En outre, le développement des ressources hydrauliques palestiniennes est limité, géographiquement, au bassin Est et, en quantité, aux besoins futurs estimés sur la base d’une évolution de la population à 5 ans (+ 70 à 80 MCM/an). Or, la population a doublé depuis 1995.
Dans l’annexe III de l’accord d’Oslo II, il est précisé que 28,6 millions de m3 d’eau supplémentaire doivent être fournis pendant la période transitoire, 5 millions à Gaza, d’une part, et 23,6 millions en Cisjordanie, dont 4,5 millions à la charge des Israéliens, d’autre part.
Vu son importance, nous ne résistons pas à l’envie de signaler les dimensions ignorées encore par beaucoup de monde de notre eau si familière. À cet égard, les travaux et découvertes du chercheur japonais, Masaru Emoto, ont ouvert une voie pleine de perspectives et promesses pour l’humanité. Voici le documentaire sur les messages secrets de l’eau pour terminer ce papier :
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Sources : RAPPORT D’INFORMATION, DÉPOSÉ en application de l’article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 5 octobre 2010 sur « La géopolitique de l’eau ».
Président : M. lionnel LUCA
Rapporteur : M. Jean GLAVANY, Députés
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Notes :