Temps de crise ou le ventre et la tête

popoIl y a quelques mois les Saint-Gironnais ont eu le bonheur de découvrir le Pont Vieux rénové :

  • la chaussée a été rétrécie pour que les piétons aient plus de place ;
  • le revêtement de la chaussée a été refait à neuf : on a remplacé les vielles dalles de marbre qui datent d’un temps certain par de petits pavés en pierre ordinaire.
  • Quand on passe dessus à vélo ou en voiture le confort est certain : on a l’impression de rouler sur une machine à secouer ;
  • la chaussée est séparée de la partie réservée aux piétons par des petits poteaux métalliques sur toute la longueur du pont mais sur un seul côté. C’est très beau à voir par rapport à avant où il n’y avait pas de séparation matérielle à part la différence de niveau avec le trottoir. C’est une œuvre d’art.

Au final on a un pont plus étroit, qui secoue quand on roule dessus, et qui coûte un certain prix. Mais c’est sans doute aux frais de la Princesse.
Mais au fait, que sont les vieilles dalles de marbre qui revêtaient la chaussée devenues ? Elles ont sans doute été jetées à la rivière ou à la décharge, puisqu’on était obligé de les remplacer par autre chose c’est qu’elles n’étaient plus utiles. Mais quand on a besoin d’une dalle de marbre de ce gabarit pour embellir son jardin on verra que ça a certain prix chez les vendeurs de matériaux.
Apparemment les Saint-Gironnais ont autre chose à faire que de s’intéresser à leur Pont.
Alors pourquoi ne pas continuer ? Les travaux publics ne doivent pas chômer. À l’heure où ces lignes sont rédigées on procède au renouvellement des trottoirs de la rue Desbiaux : rebelote, on remplace des dalles de marbre par des carreaux en béton. C’est pas mieux ? Ça ne glisse pas, les personnes âgées se sentent ainsi en sécurité, qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour elles ? Que les promoteurs de cette idée géniale soient rassurés, il y a encore à Saint-Girons d’autres rues avec des trottoirs pavés de dalles de marbre. Il faut en finir avec ces vieilleries qui datent des siècles. Les Saint-Gironnais peuvent dormir sur leurs deux oreilles, les impôts locaux ne vont pas augmenter exprès… à cause de ces menus travaux…puisque c’est aux frais de la Princesse…
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Mais il se passe des choses à Saint-Girons. Tenez, le seul magasin de musique à Saint-Girons a fermé avant les fêtes de fin d’année après trois semaines de liquidation. Et à la place, une boutique de produits régionaux est apparue pour servir les fins connaisseurs. À la même époque une boucherie-charcuterie a déménagé pour s’installer à la place d’un café-restaurant fermé depuis un an. À l’heure actuelle, juste après les fêtes de fin d’année on peut aligner à Saint-Girons deux charcuteries, deux boucheries, cinq boucheries-charcuteries, un rôtisseur et une boucherie chevaline pour une population d’à peine 4000 habitants sans compter les super marchés qui font aussi boucherie. Mais il y a les 18 vallées où s’éparpillent les gens… pourrait-on dire. Même en comptant la population de ces 18 vallées des environs il n’y a pas de place pour un magasin de musique. Mais il y a de la place pour deux salons de beauté à l’intention de nos amies les bêtes, et une dizaine de boucheries-charcuteries. Que vive la concurrence ! Vive la liberté du commerce. Pour le libéralisme, cette liberté sacrée prime sur toute autre liberté [hier les promoteurs de l’AGCS ont préconisé des modifications dans les Constitutions d’État pour qu’elles soient conformes aux règles du commerce transnational]. On sait fort bien par ailleurs que la concurrence ne frappe que les petits, les grands n’ont pas à les concurrencer, ils les éliminent, pas à coup de bâton, c’est barbare, il y a mieux : la règlementation, les normes, c’est beaucoup plus moderne, plus civilisé. Les petits exploitants agricoles disparaissent d’année en année au rythme de plusieurs dizaines de milliers par an, au bonheur des grands. Mais ce n’est qu’un détail dans une grande crise globalisée. Ce détail ne cache-t-il pas le vrai choix de société fait en douceur par ceux qui préfèrent remplir leur ventre que de faire de la musique et qui ont les moyens de le faire ?
Un vieux sage des contrées lointaines disait qu’il suffit de faire le vide dans la tête et le plein dans l’estomac des administrés pour écarter tout risque de révoltes de leur part, mais à l’époque personne n’avait osé aborder la question. Maintenant c’est fait à notre époque sans que personne accorde la moindre attention.
À quelque chose malheur est bon. La crise n’est pas pour tout le monde.