Au fond du bois la dioxine

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Un projet d’incinérateur géant au bord du Parc Naturel Régional du Morvan

En dépit des mensonges accumulés, et du « secret professionnel » qu’on leur opposait, ceux des habitants de la région qui se sont alertés et regroupés en ont appris toujours davantage, sur ce projet d’un incinérateur-scierie géant et très polluant à Sardy, à 500 mètres du Parc du Morvan, à 6 km du gros bourg de Corbigny dans la Nièvre (58).
Le Morvan : une sorte de « poumon vert » de la région Bourgogne, ou même le Cœur de la France comme l’a écrit Joseph Bruley (1910-1999) [1], pour seules ressources l’élevage des bovins charolais et le bois justement, et il le sait très bien, le Morvan dont la chanson emblématique La Morvandelle évoque « les bois, les prés, les eaux, et la forêt si belle ».

Fini, la forêt si belle ?
Le saccage de la forêt commencé dans les années 1970 par les banquiers et assureurs français va s’accélérer avec la pression des investisseurs belges et luxembourgeois.

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La forêt qu’on saccage

Le projet actuel d’incinérateur-scierie de Sardy est mené par l’entreprise ERSCIA et son directeur pour la France Pascal Jacob, les principaux actionnaires sont au Luxembourg, paradis fiscal. Coiffant le tout, on dit que le grand patron est en Belgique, un ancien avocat radié, reconverti, et qui aurait plus d’une fois « bouffé la grenouille » comme disent les Morvandiaux quand quelqu’un fait faillite. ERSCIA a commencé par annoncer une scierie et un cogénérateur, les citoyens mobilisés se sont vite aperçus que sous la façade affirmée se cachaient un incinérateur et une usine de production électrique. L’incinérateur était annoncé par l’entreprise ERSCIA comme devant incinérer 0 % de bois pollués, on en est actuellement à l’aveu d’une tranche de 53 % à 75 % de bois non biomasse donc pollués : des vieux bois peints, vernis, contenant de la peinture au plomb, des colles, etc. Le stockage et les fumées polluant non seulement les airs mais les sols, les eaux, les nappes phréatiques nombreuses ici. Avec un danger particulièrement mortel représenté par la dioxine, au vu des maxima de pollution autorisés dans l’arrêté préfectoral.
Sans compter les camions : entre les entrants qui transportent les grumes (bois entrant) et les sortants qui emportent les pellets ou les planches (bois sortant) dans ce petit pays calme, 336 passages de camions par jour. Routes défoncées, gaz d’échappement et vacarme sur les routes et dans les rues des villages, dangers publics, commerce et tourisme sinistrés.
Autre chiffre décisif, celui des emplois. Les élus promettent 120 emplois. Un rêve pour les Morvandiaux. Mais quand on constate ce qui se passe réellement, l’évaluation tombe à 50 créations d’emplois, pour combien de suppressions liées aux fermetures des autres scieries, au tourisme fusillé ?

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Le point Info-Accueil

 

La ruée vers l’or vert

Laissons la parole aux citoyens mobilisés, dont nous parlerons plus loin.

«Pour quoi ? Pour faire des planches de mauvaise qualité et ce qu’ils osent appeler de l’électricité verte : du carburant pour chaudières transporté en Belgique par camions. Quelques emplois pour quelques années (le pic de production sera atteint dans cinq ans). Quelques sondages en hausse et puis viendra la délocalisation vers une autre région à ravager. Un petit nombre sera enrichi, beaucoup auront tout perdu : les employés des petites entreprises locales du bois, qui n’auront pu faire face à la concurrence,tous ceux qui vivent de la forêt et de l’attrait d’une région trop « pauvre » pour attirer les requins de la finance… jusqu’à la crise énergétique et la ruée vers l’or vert. Il faudra un siècle au moins pour restaurer la forêt réduite par cette économie coloniale à une surface de monoculture intensive (de résineux, NDLR), d’arbres calibrés pour l’industrie.
Les tribunaux ont donné trois fois raison aux citoyens contre ce projet industriel aberrant, mais pendant que la procédure s’éternise, il avance »

La fin de l’été 2013 est en effet décisive, on attend une énième décision de la justice.

Comptons sur les élus pour prendre le parti de la raison, de l’honnêteté, du désintéressement. Voyons un peu.

Monsieur Magnon, maire de Corbigny et président de la communauté de communes.

Il a déployé à la mairie une optimiste bannière : « Des emplois. Vite la scierie ERSCIA »

Il a fait une déclaration rassurante concernant les rejets en affirmant » qu’il n’y avait aucun problème pour la santé et qu’il faudrait dépasser la dose maximale de 50 fois pour qu’il puisse y en avoir« . Le total d’heures de fonctionnement sans filtre annuel autorisé en cas d’incident correspond à 500 fois la dose maximale. C’est-à-dire 10 fois la dose que M. Magnon considère comme dangereuse pour la santé.

Monsieur Magnon enfin nous indique dans le Journal du Centre du 14 février 2013 : « C’est un projet respectueux de l’environnement, un projet construit par un industriel compétent ». Il insiste : «Ce projet (ERSCIA) va apporter une bouffée d’air frais sur tout le pays Nivernais-Morvan. »

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Un abri contre les bêtes humaines

Humour ? En tout cas vous avez deviné la profession de Docteur Magnon. Il est … médecin…

 

Continuons à compter sur les élus.

« Le ministre – comme son collègue du « Redressement productif », comme le député, soutiennent ERSCIA.

Voyons le député. Continuons à citer à ce sujet les citoyens mobilisés. Précisons que dans la région, terre de gauche, on vote Parti socialiste.

À Corbigny, le député Christian Paul soutient le projet et protège les bûcherons qui ont commencé à saccager le site avec l’aide des gendarmes mobiles.

Et à Paris, il est co-créateur de la gauche durable, mouvement de parlementaires appelant à « Créer des cadres démocratiques nouveaux (…) Pousser les feux de la réflexion et de l’action (…) Pour soi et pour les autres une société meilleure. »

Sans commentaire.
Voyons donc les élus de base. Les maires des villages… eh bien craignent des représailles et suivent les directives d’en haut favorables à l’incinérateur.

On dira qu’il existe heureusement l’instance du Parc Naturel Régional, créée comme l’indique son nom,, pour veiller sur la nature, c’est-à-dire pour ici la forêt. Mais le Parc s’est mis aux abonnés absents, semble-t-il.

L’humain a abandonné la sagesse.
Il s’est égaré loin d’elle.
La sagesse nous abandonne, nous laissant aller à notre perte…
Le Morvan existe encore, mais pour combien de temps !
Le Morvan, terre bénie, est le poumon de la Bourgogne.
Un projet satanique est né, ERSCIA ! Roi du mensonge en permanence, Erscia a projeté de raser, pour commencer, une forêt de feuillus de 100 ha, pour développer une scierie dévastatrice et un incinérateur super polluant susceptible de polluer toute une région et polluer aussi une énorme nappe phréatique située dans le sous-sol de cette forêt.
Rappelons-nous Tchernobyl dont le nuage n’a pas franchi la frontière française !
Ce projet est une super aberration écologique d’abord puis économique ensuite.
Comment donner notre richesse collective à des gens venus de l’étranger qui n’ont rien à faire de la dioxine qui se répandra sur les zones d’élevage bovins, dans les jardins, dans les maisons ? La pollution est invisible mais elle sera violente ; la dioxine et le reste seront des poisons très dangereux au fil des temps.
Subissant des pressions, les maires des communes avoisinantes sont pour le projet. De toute façon, aux questions posées la réponse est toujours : « secret professionnel ».

Herbeverte

Reste à compter sur la population.

Sinistrée, elle est fascinée en grande partie par les promesses de création d’emplois. Les Morvandiaux actuels sont nés dans une région encore verte, encore naturelle, encore préservée… mais il est difficile d’affirmer que la majorité d’entre eux s’intéresse vraiment à cette nature qui leur paraît plate et banale, alors que la modernité et le confort technique des villes miroitent au loin. En un mot, ceux qui s’opposent à ERSCIA sont des convaincus et des militants fervents… mais pas trop nombreux. Les « locaux » qui se mobilisent sont rejoints par des amis de la nature et de la région, par d’anciens militants de Notre-Dame-des-Landes. Morvandiaux, encore un effort pour retrouver la tête dure de vos ancêtres !

Restent donc les citoyens mobilisés.

À l’été 2013, la pétition anti-ERSCIA avait rassemblé plus de 73.000 signatures (voir adresse plus bas).

Le collectif qui a lancé l’appel aux premières heures a repris l’acronyme ZAD inventé sur le site de Notre-Dame-des-Landes et qui signifie « Zone à Défendre » et a nommé le site menacé par ERSCIA « ZAD du Bois du Tronçay ». Ils ont installé au bord de ce bois menacé une vigilance permanente, hiver comme été, et environ 600 personnes s’y relaient.
Au bord du bois, s’est installée une ruche avec accueil, point d’information, documentation, visite organisée… Le quotidien s’est organisé sous les arbres, point cuisine, point salle d’eau, plusieurs points enfants, point réunions, petit potager… On explique , on compare, on échange des idées, des adresses. Cet été 2013 les visiteurs n’ont pas manqué, chacun apportant une aide matérielle, technique ou morale. Toute présence, toute visite sont les bienvenues ! L’information a été diffusée sur les réseaux sociaux, d’où les soutiens larges.

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La popote dans un coin du bois

L’Association ADRET-MORVAN, dans le collectif, est à l’origine du périodique L’écho des Adrets qui en est à son troisième numéro, auteur de nombreuses feuilles d’information, contenant des nouvelles politiques et sociales et des études de fond animées par son comité scientifique, par ses investigations administratives et juridiques.

 

La fin d’été et le début d’automne seront décisifs ! N’oublions pas que le projet de méga décharge à Volgré (Yonne) en 2007, pendant la campagne présidentielle, a été enterré suite aux mobilisations du collectif des Trois Vallées qui s’y opposait.

N’oublions pas que chaque résistance locale crée autour d’elle des vagues qui pourraient submerger des dangers qui nous menacent.

De notre envoyé spécial

Ajiel

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ADRET-MORVAN : http://www.adretmorvan.org
Email : contact@adretmorvan.org

Pétition : http://www.change.org/fr/p%C3%A9titions/touche-pas-%C3%A0-ma-for%C3%AAt-non-%C3%A0-la-destruction-du-morvan

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Note :
[1]. Journaliste, écrivain originaire du Morvan et auteur entre autres de : Morvan cœur de la France, 3 volumes, Éd. La Morvandelle, Paris, 1964 à 1966.

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